Metzger sort de son trou (Der Metzger muss nachsitzen)
Auteur : Raab Thomas
Traduit de l’allemand (Autriche) par Corinna Gepner
Éditeur : Carnets Nord (8 novembre 2013)
ISBN-13: 978-2355360749
310 pages
Quatrième de couverture
Willibald Adrian Metzger, restaurateur de meubles anciens, n
a pas vraiment le profil du héros. Il ne boit pas de café, s évanouit quand il
sent de la fumée de cigarette, n a ni voiture ni téléphone portable et a un
faible pour les femmes plus âgées. Moqué pour son nom de famille (le «
charcutier ») et pour sa timidité, il traverse la vie pour ainsi dire enfermé
dans son atelier avec sa bouteille de rouge. Pourtant lorsqu en traversant un
parc enneigé, il tombe sur le cadavre d un homme éborgné, le pacifique
Willibald n a d autre choix que de se mettre à enquêter, d autant que la
victime ne lui est pas inconnue : Felix Dobermann, son bourreau du temps de la
cour de récré.
Mon avis
Il boit, il est plutôt « enveloppé », pas toujours rapide
dans ses raisonnements et malgré ce portrait peu attirant (heureusement il
restaure des meubles anciens et cela laisse à imaginer un homme méticuleux ce
qui n’équilibre pas tout mais atténue un peu…), je sais déjà que j’aurai grand
plaisir à le retrouver dès que les autres livres seront traduits (félicitations
à Corinna Gepner qui a retranscrit à merveille ce personnage atypiques aux
réflexions profondes) et édités en français.
Nous sommes donc dans le polar autrichien. Est-ce un nouveau
genre ? Je ne pense pas. Ce qui l’est, c’est le brave homme qui va être le
centre de l’histoire alors qu’il n’a rien demandé.
Il restaure des meubles anciens, a pour amie intime la
divine bouteille, vit de rituels et d’habitudes jusqu’au jour où il se trouve
nez à nez avec un cadavre qu’il connaît. Et là, de fil en aiguille (ou plutôt
de petits papiers en crottes de chien), il va se retrouver à rencontrer ses ex
camarades de lycée, ceux qui n’étaient pas tendres avec lui et dont il n’avait
plus entendu parler. Sentant que quelqu’un tire les ficelles, il va malgré tout
se « laisser faire » tout en menant son
propre raisonnement pour comprendre ce qu’on lui veut et surtout « pourquoi lui
»…
Au-delà de l’intrigue en elle-même qui demeure intéressante
mais pas forcément très surprenante, c’est l’écriture de l’auteur qui est
purement jouissive. Mêlant habilement humour « Metzger est un défécateur
pensant. C’est aux toilettes qu’il trouve la clarté, c’est là qu’il s’apaise et
qu’il prend des décisions », remarques philosophiques « Savoir qu’on doit
partir et savoir aussi que les empreintes de pas qu’on laisse sont des traces
qui serviront à d’autres. », raisonnement de la marionnette ou de l’exécutant
(Metzger) et du marionnettiste ou du cerveau (la personne qui tire les
ficelles), l’auteur pèse chaque mot et ce livre se savoure car chaque phrase
est importante. Les noms des différents individus à consonance autrichienne ne
sont pas faciles à retenir mais on s’en sort ! Les « développements mentaux »
de Willibald Adrian Metzger prennent des chemins tortueux. Son cerveau est
organisé en « tiroirs » et il a parfois besoin de plus de temps que le commun
des mortels pour réfléchir, oser faire du charme à une femme ou agir tout
simplement. Un peu comme un diésel, une fois qu’il est lancé, c’est tout bon !
Et surtout, c’est un homme qui ne renonce pas. Non pas qu’il soit
particulièrement courageux mais là, « on » est venu le chercher et il entend
bien aller jusqu’au bout pour comprendre.
Les autres protagonistes, plutôt masculins dans l’ensemble,
sont pour la plupart d’anciens condisciples ayant « vieilli ». En quelques
lignes chacun est placé dans son présent, relié au passé, permettant au lecteur
d’avoir une idée de leur évolution malgré une part d’ombre qu’il faudra
extirper du noir pour tout cerner.
Il n’y a pas d’actions expéditives et de rythme effréné,
tout avance au rythme de Metzger et ce n’est pas un rapide ….. mais il est dans
la vie comme au travail : consciencieux et appliqué. Alors, il décortique,
examine chaque fait, spécule sur les raisons qui poussent les hommes à agir de
telle ou telle façon. Avoir été le souffre-douleur des autres lui a sans doute
donné un recul sur les actes et un regard plus acéré.
Metzger est sorti de son trou pour notre plus grand bonheur
mais aussi parce l’homme n’est pas fait pour vivre seul.
« Pourtant nous avons
besoin les uns des autres, nous avons besoin de l’encouragement et du rejet, de
la haine et de l’amour. Tous seuls, nous sommes des pièces de puzzle égarées.
Seuls, nous sommes insignifiants. »
Une ambiance feutrée, un roman qui prend son temps mais pas
de lassitude, de longueurs tant l’humour grinçant, l’ironie décalée apportent
le sourire et offrent une bouffée de fraîcheur par leur aspect original.
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