Le lambeau
Auteur : Philippe Lançon
Éditions : Gallimard (12 Avril 2018)
ISBN : 978-2072689079
515 pages
Quatrième de couverture
Lambeau, subst. masc. 1. Morceau d’étoffe, de papier, de
matière souple, déchiré ou arraché, détaché du tout ou y attenant en partie. 2.
Par analogie : morceau de chair ou de peau arrachée volontairement ou
accidentellement. Lambeau sanglant ; lambeaux de chair et de sang. Juan,
désespéré, le mordit à la joue, déchira un lambeau de chair qui découvrait sa
mâchoire (Borel, Champavert, 1833, p. 55). 3. Chirurgie : segment de parties
molles conservées lors de l’amputation d’un membre pour recouvrir les parties
osseuses et obtenir une cicatrice souple. Il ne restait plus après l’amputation
qu’à rabattre le lambeau de chair sur la plaie, ainsi qu’une épaulette à plat
(Zola, Débâcle, 1892, p. 338). (Définitions extraites du Trésor de la Langue
Française).
Mon avis
« Rien de ce qui est, n’est. »
Il y a des livres qui bouleversent, d’autres sont des
« claques littéraires ». J’en ai pris une avec ce récit.
Pour Philippe Lançon, il y aura toujours « un
avant » et « un après ». Plus rien ne sera pareil. Il était au cœur de
l’attentat de Charlie Hebdo en Janvier 2015 et a été touché dans sa chair, dans
son esprit. Des mois d’hôpital, de combat pour récupérer et il est un autre
homme. Il l’écrit, il n’est plus le même. Le premier est mort.
« Le lambeau » présente sa lente reconstruction
physique et morale, son cheminement de Janvier à Novembre 2015. L’acceptation
d’un nouveau visage, de sensations différentes ; son regard sur ce qu’il a
vécu mais surtout sur ce qu’il vit. Il est sans complaisance pour celui qu’il
fut, pour celui qu’il est maintenant. Il s’exprime avec un ton très juste, en
peu de mots mais avec des phrases qui font écho, qui résonnent en nous. Il est
maintenant dans l’urgence de vivre, il ne peut plus perdre de temps, autoriser
des compromis. C’est fini, il est dans « l’ici et maintenant ». « Je
dissolvais presque instantanément les crises et les peines comme si tout,
désormais était trempé dans le travail napoléonien du corps : il n’avait
pas d’énergie à perdre avec le souvenir du reste. »
Les mots l’ont aidé à avancer, à vivre, à survivre. « Ce
qui comptait, c’était la sensation de vérité et le sentiment de liberté donnés
à celui qui écrivait comme à ceux qui lisaient. […] Le patient ressuscitait
d’entre les mots et reprenait le dessus. » Est-ce qu’écrire a été une
thérapie ? Sans doute sous une certaine forme pour lui. En posant des mots
sur les maux, il a pu passer douloureusement, lentement, un jour après l’autre
à la suite de sa vie. Pour nous, ce qui domine, c’est le besoin de le
comprendre, de partager et d’alléger sa peine en le lisant. Il nous explique sa
relation aux autres, aux collègues disparus (plus proches de lui qu’ils ne
l’étaient de leur vivant), ce lien indéfectible qui s’est créé. Il parle de ses
échanges avec les chirurgiens, les kinés, les soignants, les malades…. Il a
choisi de s’éloigner de certaines personnes, de se rapprocher d’autres qui
l’aident à être plus fort. Il ne cherche pas à justifier ni à pardonner quoi
que ce soit. Il avance pas à pas, vivant avec ses peurs, ses déceptions, ses
espoirs, ses douleurs…. Il dit le poids des renoncements lorsque les greffes ne
prennent pas et il signale le soutien nécessaire de tous ceux qui l’ont
entouré, chacun à leur manière. Le personnel hospitalier montre une grande délicatesse
à l’égard de ce blessé de la vie. Philippe Lançon nous rappelle combien on se
sent redevenu petit lorsqu’on dépend des autres et combien leur attitude, faite
de respect, d’écoute compte au quotidien. Il cite quelques livres et certains passages
de ceux-ci qui l’ont accompagné comme des « doudous ».
Son écriture est porteuse de sens, puissante, sans pathos, sans
détour, prenante. C’est un témoignage d’une rare intensité qui ne laisse pas
indemne. On sent une force de caractère hors du commun, où est-il allé puiser
tout cela ? En lui …. Toujours plus loin …. J’ai lu ce texte en apnée, j’aurais voulu lui
dire des tas de choses mais finalement, en lisant cette phrase : « Je
pleure sur ma vie perdue, je pleure sur ma vie future, je pleure sur ma vie
obscure, mais vous ne me verrez pas pleurer. », je me contenterai d’un mot :
Merci.
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