L’inconnue de Bangalore (Cut Like Wound)
Auteur : Anita Nair
Traduit de l’anglais (Inde) par Dominique Vitalyos
Éditions : Albin Michel (10 Mai 2013)
ISBN : 978-2226246844
360 pages
Quatrième de couverture
Première nuit du Ramadan à Bangalore, la cosmopolite Silicon
Valley de l’Inde. Le quartier musulman de Shivaji Nagar brille de mille feux,
mais dans une sombre ruelle, un jeune prostitué est attaqué et brulé vif... D’autres
meurtres vont bientôt suivre et il semble très vite clair que l’on a affaire à
un tueur en série. L’inspecteur Borei Gowda à la cinquantaine désabusée,
n’arrive pas à comprendre le lien entre ces morts, mais les témoins évoquent
tous une femme d une grande beauté. Une première piste...
Mon avis
C’est dans le monde très particulier et très fermé des
eunuques que ce roman se déroule. Nous sommes dans une Inde aux castes bien
déterminées, approchée par l’auteur sous de multiples angles, comme un prisme
aux nombreuses facettes.
En effet tour à tour, nous suivrons des personnages aussi
originaux que troublants et il sera nécessaire de rester attentif au maximum
pour ne pas perdre le fil. D’autant plus que des expressions comme Abba, Akka,
Appa, Amma sont employés régulièrement. Comme ces termes peuvent désigner des
membres de la famille mais aussi être destinés à marquer la respectabilité, il
y a de quoi embrouiller le lecteur. Ajouter à ceci, le « il » et le « elle »
utilisés pour définir les eunuques et vous allez penser « trop compliqué pour
moi, pas envie de me prendre la tête. »
Ne vous arrêtez surtout pas à cette impression et partez
dans cette Inde multicolore, aux individus ambigus mais attachants. Les
chapitres courts permettent de passer rapidement de l’un à l’autre sans se
lasser et donne un rythme intéressant à une intrigue complexe sans être trop
torturée non plus.
L'inspecteur Borei Gowda, dont la femme est dans une autre
ville pour accompagner leur fils qui y fait ses études, est un homme aimant son
métier mais appréciant par-dessus tout de mener les choses comme il l’entend au
grand dam de ses supérieurs. Voilà qu’on lui adjoint Santosh qui a demandé à
faire équipe avec lui. Il faudra que les deux collègues se comprennent (bien
qu’ils soient issus de la même caste), s’apprivoisent pour qu’ils s’écoutent et
avancent ensemble et non pas séparément. C’est une belle approche de la
difficulté de ces hommes un peu « ours », un peu plus âgés, lorsqu’ils doivent
collaborer qui nous est offerte en filigrane de ce roman. Ses rapports avec son
fils et avec une ancienne amie de faculté, sont décortiqués aussi car ils nous
montrent les maladresses masculines lorsqu’il faut parler d’amour….
Mais le fil conducteur le plus important, est bien cet
eunuque, qui au fil des pages, devient tour à tour captivant, détestable,
équivoque mais surtout fascinant pour le lecteur, scotché au texte, porté par
une écriture de qualité, tout à fait adaptée au contenu. Bangalore est une
grande ville indienne dans laquelle, suivant les protagonistes, nous marchons,
déambulons, courons, nous cachons.
Il a sans doute été difficile pour Anita Nair de ne pas
écrire un roman ethnique tout en donnant suffisamment d’éléments au lecteur
pour qu’il s’approprie les êtres rencontrés au fil des pages ainsi que
l’atmosphère particulière de cette ville en plein Ramadan. En les appréhendant,
on peut concevoir leurs réactions, les « accepter » car elles sont liées à leur
vie, à leur cheminement, à leur passé….
Parfois, on pense qu’un livre qui se déroule à l’étranger,
pourrait être transposé ailleurs car les lieux pourraient être facilement inter
changés et hop au lieu de la froide Islande, on se retrouverait en Ecosse ou au
Portugal (en dehors des villes, on adapterait météo et paysages et le tour
serait joué…)
Anita Nair en nous plongeant dans l’univers des eunuques,
dans leurs pensées, leur mode de vie, réussit un tour de force. Tout est bien
dosé et nous passons rapidement de l’un à l’autre, gardant en mémoire les
lignes précédentes pour mieux comprendre celles qui suivent.
J’ai eu beaucoup de plaisir à cette lecture. Je ne sais pas
si l’auteur a l’intention de nous faire retrouver Gowda et Santosh mais je
pense qu’ils ont encore de beaux jours devant eux sous la plume de cette jeune
femme, journaliste et poétesse (ce qui explique des descriptions courtes,
fines, imagées, nous donnant l’impression de découvrir des photos de cette
ville qu’elle habite).
Une mention « excellent » à la traductrice, qui vit
plusieurs mois par Inde et qui a si bien sur faire vivre les mots pour nous
transmettre l’atmosphère de ce pays.
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