"L'heure bleue" de Peter Stamm (In einer dunkelblauen Stunde)

 

L’heure bleue (In einer dunkelblauen Stunde)
Auteur : Peter Stamm
Traduit de l’allemand (Suisse) par Pierre Deshusses
Éditions : Bourgois (22 Août 2024)
ISBN : 978-2267048414
234 pages

Quatrième de couverture

La jeune réalisatrice Andrea et son petit ami Tom espèrent beaucoup du documentaire sur l'écrivain Richard Wechsler qu’ils sont en train de tourner. Après un début laborieux à Paris, où le romancier vit depuis de longues années, ils l’attendent dans son village natal en Suisse, afin de poursuivre la production du film. Mais en l'absence de Wechsler, Andrea doit se contenter des indices trouvés dans ses livres ou les rares rushes captés sur les quais de Seine et au cimetière du Montparnasse pour obtenir des réponses à ses questions.

Mon avis

« L’heure bleue » sert de fil conducteur à ce roman presqu’insaisissable.

« J’aime bien cette heure bleue entre la nuit et le jour, cet état entre sommeil et veille. », « À une heure bleue, bleu sombre, de la nuit, et une fois passée personne ne sait si elle a été.»  Il y a également l’heure bleue de Guerlain et d’autres clins d’œil.

Andrea et Tom ont décidé de tourner un film sur l’écrivain Richard Wechsler. Ils veulent faire une présentation générale de lui, ensuite ils envisagent de le ramener dans le village de son enfance à la rencontre de ceux qui l’ont connu. Lui pense qu’à part ses dates de naissance et de mort, tout, entre les deux, lui appartient.  Autant dire qu’il va être délicat de le faire parler. Déjà répondre à des questions sera compliqué mais se confier…

Andrea et Tom ne savent plus où ils en sont de leur couple, ce qui ne simplifie pas les interviews avec l’auteur. C’est Andrea qui s’exprime dans ce récit, elle prend ses distances, fait cavalier seul. Elle entretient une relation ambiguë avec Richard. Il lui file entre les doigts, ne se présente pas toujours aux rendez-vous, peut répondre à côté, laisser dériver la conversation…

On s’interroge souvent sur ce qui est de la réalité ou des états de semi rêve où, comme dans l’heure bleue, tout est flouté car on est entre somnolence et pleine conscience.

« Savoir s’il portait déjà tout ça en lui ? Cette sombre attente de la douleur ? »

Celui qu’Andrea interroge a une personnalité troublante, oscillant entre collaboration et observation extérieure. Il avait dit oui pour le film car il imaginait que le regard des cinéastes allait lui faire découvrir des choses sur lui. Il n’est pas vraiment participatif alors Andrea cherche par elle-même, elle essaie de croiser des gens qui le connaissent afin d’obtenir des éléments sur son parcours, sa personnalité.

En lisant ce récit, il ne faut pas attendre de certitudes. Les ramifications sont nombreuses, il y a des histoires dans l’histoire principale, semblables à des mises en abyme. On peut d’ailleurs se questionner : est-ce que l’auteur ne s’identifie pas à ce personnage mystérieux, qui échappe à ceux qui veulent construire un film sur lui ?

J’ai eu le sentiment, en lisant, que le texte se dévoilait à travers un kaléidoscope et suivant comme on tournait, les images formées par les mots étaient différentes. C’est comme une vague, calme, impérieuse ou silencieuse, s’approchant pour repartir aussitôt, effaçant les traces (ce qui a été rédigé) pour que d’autres se créent, apparaissent …

Ce livre singulier, qui se démarque, est un vrai labyrinthe dans lequel il ne faut pas hésiter à s’aventurer. Le traducteur, Pierre Deshusses, a donné du sens à chaque mot qu’il a choisi pour rendre au mieux l’écriture de Peter Stamm ainsi que l’atmosphère qu’il souhaitait transmettre. Cette lecture m’a offert un moment hors du temps, où je n’ai pas cherché à démêler les fils. J’ai simplement laissé le phrasé glisser en moi pour profiter de ce recueil au maximum.


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