"Les mains pleines" de Guillaume Collet

 

Les mains pleines
Auteur : Guillaume Collet
Éditions : Bourgois (22 août 2024)
ISBN : 978-2267048353
112 pages

Quatrième de couverture

Le couple, aisé, vit confortablement dans une grande maison bourgeoise à la campagne. Ils sont parents et grands-parents, mais la famille n’a jamais été leur priorité. Partir en vacances aux quatre coins de la planète leur a toujours semblé plus important que passer les fêtes de fin d’année avec leurs proches. Même à leur âge avancé, ils ne demandent jamais de l’aide, malgré les difficultés, les peurs paranoïaques et les problèmes de mémoire qui s’intensifient. Et quand leur petit-fils, alerté par les voisins, sonne à la porte, il n’est pas vraiment le bienvenu. Il doit essayer de gagner leur confiance, et progresser pièce par pièce, avant de pouvoir leur porter secours…

Mon avis

C’est un couple vieillissant, Grand-Père et Grand-Mère. Ils vivent dans une belle maison, ont beaucoup voyagé, se sont peu préoccupés de la famille. Indépendants, riches, ils ont toujours menés leur barque à leur guise.

Mais il semble y avoir une petite alerte. Il faudrait aller voir sur place mais qui ? Oncle, Mère, ou autre ? Ce sera Petit-Fils, celui qui a pour ambition d’être cascadeur (et qui galère … alors il a du temps, après tout ça l’occupera). Un petit tour sur place juste pour voir et se rassurer car Famille le sait bien, on s’alarme sans doute pour rien.

Pas très motivé le garçon mais bon quand faut y aller, faut y aller …. Il se rend dans la grande et belle demeure et ….

« Petit-Fils prend conscience qu’il n’arrive pas après un cataclysme, mais juste avant. »

Il reçoit en pleine face tout ce qui ne va pas : le réfrigérateur vide ou avec des denrées périmées, les idées fixes de Grand-Mère, persuadée d’être épiée, volée, …, les silences de Grand-Père qui semble ailleurs, les serrures changées, les cartes bancaires renouvelées sous différents prétextes…. C’est sûr les anciens perdent pied mais est-ce que Famille va le comprendre ? D’ailleurs la réponse c’est : si ce n’est qu’un problème de clés, ça peut se régler, non ? En gros, débrouille toi et tiens nous au courant.

Difficile pour Petit-Fils d’expliquer, il ne veut pas noircir le tableau mais il est nécessaire d’être réaliste. Alors que faire ? Comment agir ?

C’est en passant dans les différentes pièces de la maison que le lecteur découvre le quotidien de ce couple. Pas de noms, pas de dialogues, on reste dans la distance (ou encore plus près car en « anonymisant », ne se sent-on pas tous concernés ?) pas dans l’indifférence. Est-ce que ce procédé d’écriture a été choisi pour que chacun de nous ait le sentiment de vivre ce problème ? Cela pourrait être nos parents, des gens qu’on connaît, qu’on côtoie ….

Le livre est court, les phrases syncopées, l’écriture coup de poing. Comment faire face à toutes les difficultés qui s’accumulent, se télescopent, envahissant les journées du missionné ? Pourquoi porterait-il tout cela seul ? Quelles décisions prendre ? Y-en-a-t-il des bonnes, des mauvaises ? Qui faut-il préserver ? Dire la vérité à Grand-Père et Grand-Mère ? L’entendront-ils ? Saisiront-ils les enjeux ? Quelle suite envisageable ou envisagée ?

Et puis cette situation dérange, ça fait désordre, non ? Famille était fier du couple qui a réussi, qui voyage, qui n’a besoin de personne pour s’assumer.…

« Famille veut rétablir cette image de réussite. Personne ne veut de deux égarés tournant en rond dans leurs angoisses. »

Peu de pages mais c’est bien suffisant car on s’interroge, et si c’était moi ? Moi, quand je serai âgée ou moi maintenant confrontée à des événements semblables avec quelqu’un que j’apprécie, que je ne veux ni rejeter, ni choquer ?

Est-on capable d’accepter la perte d’autonomie pour nous, pour ceux qu’on aime ? Qu’elles sont douloureuses ces questions, qu’elles sont laborieuses ces décisions à prendre quand tout le monde n’est pas d’accord … et qu’il faut agir parce qu’on n’a plus d’autre possibilité…

Ce roman est bouleversant, j’ai aimé la forme épurée qui nous renvoie à l’essentiel, nous obligeant à intégrer ce qu’on voudrait oublier ou mettre de côté….


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