Le silence des salines
Auteur : Philippe Cuisset
Éditions : Anfortas (23 janvier 2025)
ISBN : 978-2375221815
158 pages
Quatrième de couverture
De retour à Aigues-Mortes, Florian se trouve confronté au
passé maudit de cette ville. Le massacre des Italiens de 1893, un pogrom d’une
violence extrême, hante toujours les murailles de la cité fortifiée, les
ruelles et les marais. Pour échapper à de tels fantômes, il lui faut chercher
des issues : la passion de la boxe et l’amour de Julie pourront-ils le délivrer
des démons dont il subit l’emprise grandissante ?
Mon avis
Le 17 août 1893, des ouvriers immigrés italiens qui
travaillaient pour les salines d’Aigues Mortes sont confrontés à des rixes. Certains
employés français pensent qu’ils leur volent leur labeur. Des échauffourées
extrêmement violentes ont lieu et la police ne gère pas au mieux cet événement.
L’estimation du nombre de personnes décédées va de huit (c’est le chiffre
officiel) à cent cinquante selon la presse italienne. Ce pogrom, peu en ont
entendu parler, et, fidèle à ses idées, Philippe Cuisset a décidé de le porter
à notre connaissance dans son dernier livre.
On découvre Florian Rossi, italien d’origine, qui en 2020,
étudiant en master d’histoire, a décidé de rédiger un mémoire sur ces faits. Le
professeur qui le suit lui reproche de mettre trop d’affect dans sa rédaction,
de faire des recherches dans des zones d’ombre. On le sait, ce n’est jamais bon
de remuer le passé. Il faut que Florian prenne de la hauteur et s’attache
plutôt aux conditions de vie des salariés, principalement ceux du coin.
C’est trop difficile pour le jeune homme, il abandonne mais
cette situation continue de le hanter. On est maintenant en 2023, lorsqu’il
marche sur les remparts, il a l’impression d’entendre les cris. Sa sensibilité exacerbée
fait qu’il ressent tout très fort. L’histoire de ces hommes le hante, il veut
comprendre, leur rendre justice ou tout simplement leur rendre leur place.
Pourquoi ne sont-ils jamais cités dans les manuels scolaires ? Il s’essaie
à la boxe, sans doute pour évacuer tout ce qui bout en lui.
Alors le lecteur l’accompagne sur ce chemin de souffrance
car, lorsqu’une personne est mal dans sa « peau », tout son quotidien
est affecté. Entre les chapitres où l’on suit Florian, d’autres, plus courts,
en italiques, font le lien avec le passé. De petites touches de témoignages, c’est
bien suffisant pour cerner les événements et le « rôle », pas du tout
net, de certains …. Comme c’est court, c’est encore plus fort, plus « coup
de poing »…
Philippe Cuisset est un homme engagé, ces écrits le sont également.
Il n’hésite pas à dire les choses, à agir (il est bénévole dans des centres
accueillant des réfugiés). Son récit est bouleversant. Non seulement par la présentation
de ce massacre révoltant qui incite à aller chercher des détails dans les bibliothèques
ou sur internet pour cerner aux mieux ce qu’il s’est passé. Mais aussi, parce
que ce non-dit a une énorme influence sur la vie de Florian. C’est comme si
tout cela lui collait à la peau, une réminiscence interne, dans les gènes …
Ce roman m’a intéressée, captivée, remuée. L’écriture vive permet
de se sentir, dès les premières phrases, concernée par ce qu’on lit. J’ai
particulièrement apprécié la façon dont l’auteur approche tout ça. Pas de
jugements rapides. Les ressentis sont là, présents et si besoin, il suffit de
lire entre les lignes pour ne pas oublier. Je ne visiterai plus Aigues-Mortes en
mode neutre, ces gens seront avec moi, je penserai à eux.
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