Beyrouth Forever
Auteur : David Hury
Éditions : Liana Levy (16 Janvier 2025)
ISBN : 9791034910199
300 pages
Quatrième de couverture
Septembre 2023. L’été s’achève, Beyrouth suffoque et attend
les premières pluies. Marwan Khalil, lui, attend la
retraite, après trente ans de service et de magouilles à la brigade criminelle
d’Adlieh. Mais lorsqu’une vieille femme est retrouvée morte et que sa
hiérarchie le presse de classer l’affaire, l’inspecteur sent que quelque chose
ne tourne pas rond. D’autant que la victime, une universitaire de renom,
travaillait sur un ambitieux manuel scolaire de l’Histoire du Liban. Manuel qui
semblait déranger le puissant Hezbollah et dont le seul exemplaire disparaît
des pièces à conviction. Pour sa dernière enquête, Marwan refuse de jouer le
jeu de la dissimulation qui mine son pays et auquel il n’a que trop participé.
L’ancien milicien chrétien et sa jeune adjointe chiite, Ibtissam, devront
batailler pour faire éclater la vérité dans ce pays à bout de souffle qui
refuse de faire face à son Histoire.
Mon avis
David Hury a travaillé comme journaliste et photoreporter
pendant dix-huit ans au Liban. On peut dire qu’il connaît bien ce pays et son
fonctionnement. Dans son dernier roman, ancré dans l’histoire de ce lieu, il analyse
avec acuité les rouages du pouvoir en place (c’était avant l’élection du 9
Janvier 2025) et il glisse des idées pour agir. On sent sa colère, son irritation,
sa volonté par cet écrit d’éclairer sur tout ce qui est tu.
Avant d’écrire cette chronique, il m’a fallu « digérer »
cette lecture. Les informations sont nombreuses, j’ai énormément appris, j’ai
été bouleversée et je ne veux rien gâchée en parlant de ce livre.
David Hury part d’un fait que j’ignorais totalement. Les
manuels scolaires de l’histoire du Liban s’arrêtent en 1943 lorsque l’indépendance
a été obtenue. Après cette date, rien n’apparaît. Dans ce récit, Aimée Asmar,
professeur en faculté, est retrouvée morte chez elle. Tout semble indiquer qu’il
s’agit d’un banal accident domestique. Marwan Khalil, policier proche de la
retraite, est envoyé sur place, avec la jeune adjointe qu’on lui a imposée. Il
n’a pas envie de bosser avec elle. Tout les oppose. Une fois sur place, il
observe et réalise qu’il y a eu meurtre. Il a alors deux solutions :
rapporter ce dont il est sûr et lancer une enquête, ou « magouiller »
(ça, il l’a déjà fait) et l’affaire sera classée. À quelques mois de s’arrêter,
il n’a pas envie de céder sous la pression, peut-être a-t-il aussi le souhait
de « redorer son image » pour sa fille avec qui les liens sont
compliqués.
Décidé à mettre le pied dans la fourmilière, Marwan lance
ses investigations. Il réalise que le futur ouvrage de l’universitaire
dérangeait pas mal de monde. Elle avait l’intention de mettre au jour tout ce
qui a été dissimulé. Mais qui l’a tuée et pourquoi ? Est-ce que son assassinat
a été commandité ?
À travers ses recherches, c’est tout le quotidien sur place
qu’on découvre. L’eau réquisitionnée et surfacturée, l’électricité intermittente,
la vie chère, les salaires bas, la sécurité qui se délité, aucun avenir pour
les jeunes … le Liban est blessé, meurtri, sur le qui-vive et ses habitants
aussi… Marwan est décidé, ce sera son dernier combat mais il va dénoncer tout
ce qui ne va pas, il va fouiller pour faire sortir la vérité, pour pouvoir se
regarder dans une glace, pour se dire qu’un jour peut-être …, pour penser que
tout n’est pas perdu pour les générations futures.
« L’éducation, c’est donner les armes
intellectuelles aux nouvelles générations pour que les pages sombres de l’Histoire
ne se répètent pas. »
La preuve, c’est que sa jeune coéquipière veut l’aider dans
sa quête de vérité, malgré les chefs qui leur disent de cesser. Le mensonge,
ils n’en veulent pas. Ils sont attachants tous les deux, chacun à sa manière.
Pourtant, lui, il a triché, il fume, il boit, mais il a décidé de finir sa
carrière en étant droit et on a envie qu’il trouve les réponses.
Occulter une partie du passé, est-ce un moyen pour avancer ?
Que valent les non-dits, les silences ? Peut-on oublier ?
L’auteur insiste sur la corruption qui règne à plusieurs
niveaux, qui gangrène la police, les fonctionnaires, je me suis demandée s’il n’était
pas un peu désabusé mais je pense que non. En choisissant de présenter deux
personnages qui luttent contre ce qui est faux, il donne la parole à tous ceux
qui, dans l’ombre, voudraient que les choses changent.
Son écriture est puissante, il introduit ou évoque des faits
réels (les accords de Taël, les attentats de 82, ce qu’a fait Georges Zreik, le
rôle de Nabih Berri et bien d’autres encore) dans sa fiction la rendant très
réaliste et vraiment en lien avec ce qui est le cœur du mal-être général. Tout
est porteur de sens et son message est très fort.
C’est pour moi un coup de cœur !
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