La saison des feux
Auteur : Celeste Ng
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Fabrice Pointeau
Éditions : Sonatine (5 Avril 2018)
ISBN : 978-2355846502
390 pages
Quatrième de couverture
À Shaker Heights, banlieue riche et tranquille de Cleveland,
tout est soigneusement planifié pour le bonheur des résidents. Lorsque Mia Warren, une mère célibataire et
bohème, vient s'installer dans cette bulle idyllique avec sa fille Pearl, les
relations avec la famille Richardson sont d'abord chaleureuses. Mais peu à peu,
leur présence commence à mettre en péril l'entente qui règne entre les voisins.
Mon avis
« L’appareil
photographique, c’est l’œil au bout des doigts »
Qu’est-ce qui peut bien pousser Mia et sa fille à vivre de
peu, en bohèmes, changeant de ville et même de région très régulièrement ?
En agissant ainsi, Pearl, la jeune lycéenne, ne peut pas créer de liens
solides, ni s’attacher à ceux qu’elle fréquente dans les établissements
scolaires où elle prend des cours. Pourtant, cette fois-ci, sa mère lui l’a
promis, elles vont se poser ! Shaker Heights semble le lieu idéal pour ça.
Alors, comme à chaque fois, il faut trouver un logement pas trop cher et un
petit boulot. Car Mia est artiste photographe (c’est d’ailleurs pour cela
qu’elle bouge souvent, dit-elle, lorsqu’elle change de projet, elle éprouve le
besoin de déménager) et si ses clichés sont excellents, ils ne suffisent pas
vraiment à assurer un revenu stable.
Shaker Heights, c’est une ville communautaire où ceux qui
vivent là se sont installés en toute conscience. Tout est lisse (en apparence),
sérieux, calme, «appliqué », poli et policé….. Quand on vient de Shaker
Heights, on est bien vu à l’école, on a un bon niveau etc… et on fait de bonnes
actions…. Alors Madame Richardson qui a un petit appartement disponible dans
une maison, va accueillir, les bras grands ouverts évidemment, les deux
nouvelles arrivantes. Des liens vont alors se créer entre les deux
« familles » qui n’ont, pourtant, rien ou presque, en commun…..et les
bouleversements vont arriver, petit à petit…..
Ce roman est à la fois une étude sociale d’un microcosme et
un thriller dans le sens où des drames vont survenir, à commencer par celui qui
est présenté dans les premières pages et qui donne lieu à un retour en arrière
pour expliquer comment on a pu en arriver là…
L’écriture de Celeste Ng est sublime, délicate et fascinante
(bravo et merci à Fabrice Pointeau pour la traduction) . Elle dégage « un
je ne sais quoi » qui vous pénètre au plus profond.
« Pour un parent,
un enfant n’est pas une simple personne : c’est un endroit, une sorte de
Narnia, un lieu vaste et éternel où coexistent le présent qu’on vit, le passé
dont on se souvient et l’avenir qu’on espère.
Les personnages qu’elle présente sont finement décrits, tant
dans leur caractère, que leur parcours de vie et cela permet de les comprendre,
de les accepter tels qu’ils sont. Elle n’envoie pas toutes les informations
d’un coup, d’un seul, non, c’est bien plus subtil, les éléments apparaissent un
à un. Le rythme n’est pas trépident, les actions et rebondissements ne sont pas
légion mais tout s’installe et s’éclaire au fur et à mesure. Il y a quelques
chose qui m’a beaucoup plu, c’est la place donnée aux photographies de Mia.
Lorsque l’auteur présente ces images, on
« les voit », c’est inimaginable de réalisme. Pourtant, on n’a pas
l’impression d’une description par le menu, c’est plutôt l’expression d’une
atmosphère, la présentation d’un
« paysage » qui se construit et prend vie sous nos yeux…..
J’ai vraiment beaucoup apprécié cette lecture. Les rapports
humains dans ce quartier semblent définis par le respect de tous et de chacun,
mais lorsqu’on creuse, on s’aperçoit vite que ceci n’est valable que si on
reste « dans la norme ». Et Izzie, la cadette de la fratrie Richardson
ne rentre pas dans « le moule » alors, forcément, elle dérange….et
elle apporte de la fantaisie, de la fraîcheur dans cet univers de Shaker
Heights qui se veut aseptisé. C’est follement amusant quand au détour d’une
remarque qu’elle fait, on visualise les voisins, lèvres pincés, yeux
écarquillés, se demandant quel est cet ovni
qui ose…. Mais elle n’est qu’un
exemple, parce que, finalement, sous une apparence tranquille, certains
des protagonistes ont des envie de vivre
autre chose ou différemment …. Mais franchiront-ils le pas ? Quelques uns
peut-être ….. En général, je n’aime pas les « fins ouvertes » mais
là, j’ai trouvé que cela collait parfaitement au récit, cela ne pouvait pas être
autrement, comme si Celeste Ng choisissait de laisser ceux qu’elle a créés
prendre leur destin en main ….
C’est un livre que je conseille vraiment et je pense que je
ne perdrai pas de vue cet écrivain.
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