Auteur: Olivier Gérard
Préface de Jean-Claude Carrière
Editions: Kyklos (Mai 2010)
ISBN : 978-2-918406-07-5
270 pages
Marié à Sandra, une femme qui a embrassé le judaïsme et
tenait à faire l’alyah – le retour en Terre Sainte – Asso se retrouve à gérer
une boutique d’articles de sport au cœur de la plus riche colonie juive
d’Israël, à deux pas de Jérusalem. Son existence monotone aurait coulé sans
histoire… c’était compter sans l’irruption de celui qui fut jadis son mentor :
Mossan, l’homme qui, en s’appropriant son adolescence au point de vouloir faire
de lui son double, a suscité sa haine.
Pris entre deux fanatismes, jeté dans la tourmente qu’ils
attisent, montré du doigt comme ancien protégé du milliardaire Mossan, Asso
devient, à son corps défendant, le jouet d’un complot infernal.
Avant de vous livrer mon avis, une petite parenthèse.
Je suis allée chercher sur internet les éditions Kyklos et
là j’ai lu …. qu'elles se définissaient comme:
« la voix dissonante de l’édition »…
Voici un extrait de Fabrice Berthet, le directeur éditorial:
"Kyklos Editions, à l’image de son logo, définit sa
politique éditoriale sans discrimination de temps, de lieu, d’identité, d’idée
ou de style des œuvres qui forment son catalogue.
Son catalogue est constitué de titres multiples, éclectiques
au sein d’une unité cognitive, en vue de poser les bases de l’intérêt et de la
réflexion chez ses lecteurs.
La politique éditoriale de Kyklos Editions ne se cantonne ni
géographiquement, ni culturellement.
Le ton des éditions est rigoureux, divertissant et
intellectuellement stimulant. Si les ouvrages présentés s’avèrent dérangeants,
Kyklos Editions en assumera les conséquences, s’opposant énergiquement à toute
forme de censure, restant fidèle à sa voix dissonante par laquelle elle tente
de séduire, sans forcément chercher à plaire."
Alors pourquoi "Kyklos" ? Kyklos en grec, signifie
« cercle », « cycle »…. Je laisse à chacun de vous le soin d’imaginer une réponse…
Peut-être l’éditeur nous la livrera t-il ?
Ensuite, ce titre : « Te retourne pas Handala ! ». Le verbe
est à l’impératif présent. L’impératif ? Le mode du souhait, de la requête, des
ordres, des interdictions, des obligations… Comment l’auteur la prononce t-il
cette petite phrase ?
Déjà, elle est écrite en langage familier, la négation étant
escamotée....
Est-ce qu’Olivier Gérard l’imagine hurlée, criée dans le
style « non, surtout ne te retourne pas, attends que tout aille mieux », ou
bien chuchotée, murmurée au milieu des bruits de la vie « chut, ne te retourne
pas, ne regarde pas … » ou encore ?….
Handala, "l’amertume" …c’est une tristesse mêlée à
du ressentiment …Handala est donc amer…à qui en veut-il ? Choisit-il de tourner
le dos pour montrer qu’il est écœuré par les événements ? Dans la quatrième de
couverture, il est écrit qu’il était au début le symbole de la lutte
palestinienne mais que sa conscience s’est développé pour devenir celle d’une
nation, puis de l’humanité toute entière…Le dessinateur d’Handala a été
assassiné en 1987, il disait : « Ce personnage que j’ai créé ne disparaîtra pas
après moi. Je ne crois pas exagérer en disant que je serai immortalisé à
travers lui. » Il a reçu à titre posthume la « plume d’or de la liberté », tout
un symbole....
Il est intéressant, au fil de la lecture, de noter qui
prononce cette phrase et quand ... et éventuellement avec quel ton de voix...
Quatrième de couverture, titre … il y a déjà matière à
réflexion, ouverture à l’autre (l’autre qui est mon frère même s’il est
différent… ), désir de connaître, de comprendre, de pénétrer dans les
territoires « là-bas » pour aller plus loin dans la réflexion…
Alors, on se laisse emporter par le roman, tellement
"visuel" et d’actualité qu’on pourrait en faire un film. On suit les
personnages, chacun avec ses convictions, ses choix mais aussi parfois ses
hésitations, ses souffrances, devant l’incompréhension ou le doute. Qui a
raison ? Qui a tort ? Ce n’est pas comme cela que se positionne l’auteur et
c’est un vrai tour de force. On pourrait presque apparenter son roman à un
documentaire. Il aurait pu mettre une carte géographique en index. Il explique
ce qui se déroule sans parti pris. Les descriptions sont précises,
"visuelles" et jamais trop lourdes, on peut ainsi "regarder
vivre" chaque situation..
J’ai été marquée par Conrad, Gaï, le fils, qui se demande où
sont ses racines. Il se sent déraciné…C’est terrible de se dire que l’on est de
« nulle part »…. Il a dû mal à comprendre les choix de ses parents, que ce soit
la religion ou au sens plus large "les choix de vie", d'ailleurs, son
père sait-il précisément ce qu'il veut vivre? J'aurais voulu une autre vie pour
Conrad ....
Et puis, cette phrase : « la guerre, c’est important,
n’est-ce pas ? ». Et toute cette violence, que l'on retrouve dans le livre ....
On a mal .... Savent-ils ceux qui se battent qu'une seule rencontre a pu
changer le cours de leur existence et les entraîner dans le fanatisme?
L’écriture est alerte. Les chapitres courts s’enchaînent
sans difficultés, chacun d’eux étant introduit par la date et le lieu, on situe
tout de suite. Les personnages ont des caractères bien déterminés, chacun sa
personnalité.
A travers ce roman, on découvre une représentation terrible
d'un quotidien qui existe et qui se met à vivre sous nos yeux. Inutile de les
frotter ... cette réalité là existe ...
Cela entraîne plusieurs approches de lecture: en premier, le
roman en lui-même; en deuxième, les réflexions que la lecture provoque:
fanatisme, place de chacun, choix; en troisième, le retour sur nous-mêmes:
"Et moi, qu'est ce que j'en pense, qu'aurais je fait, choisi, pensé, où
sont mes racines ? ... etc..."
C'est un coup de coeur, mais un coup de coeur douloureux
parce que je ne sais pas si Handala se retournera un jour ... Et je voudrais
l'interpeller et lui dire: "retourne-toi, dis leur, ... explique leur que
c'est possible, que la vie peut être belle, qu'il y a de la place pour vivre
ensemble en harmonie, retourne-toi, parle en ouvrant les bras ... peut-être
qu'ils comprendront ... allez Handala, essaie ... il faut continuer de croire
en l'homme"....
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