"La malédiction des colombes" de Louise Erdrich (The Plague of Doves)

 

La malédiction des colombes (The Plague of Doves)
Auteur : Louise Erdrich
Traduit de l’américain par Isabelle Reinbarez
Éditions : Albin Michel (18 Août 2010)
ISBN : 978-2226215215
498 pages

Quatrième de couverture

Depuis toujours, la petite ville de Pluto, Dakota du Nord, vit sous "la malédiction des colombes" : les oiseaux dévorent ses maigres récoltes comme le passé dévore le présent. Nous sommes en 1966 et le souvenir de quatre innocents lynchés cinquante ans auparavant hante toujours les esprits. En écoutant les récits de son grand-père indien qui fut témoin du drame, Evelina, une adolescente pleine d'insouciance, prend conscience de la réalité et de l'injustice…

Mon avis

Parmi les différents romans que j’ai lus de Louise Erdrich, celui-ci est certainement un des plus exigeants (au niveau de la concentration pour ne pas perdre le fil) mais surtout un des plus aboutis.

Nous sommes en 1966, dans le Dakota du Nord, pas très loin d’une petite ville nommé Pluto, près d’une réserve où vivent la plupart des indiens. Evelina, est une adolescente gaie, sans complexe, elle écoute souvent les récits de son grand-père et petit à petit, elle va réaliser que son peuple n’est pas toujours respecté, écouté, entendu et que les spoliations sont nombreuses.

Dans ce recueil polyphonique, les histoires des différents personnages sont teintées de désespérance, quelques fois d’un peu d’humour ou d’ironie. Il y a des associations improbables, des faits divers terriblement injustes, une vie difficile mais un attachement profond à la communauté, aux racines. Les jeunes ont le poids du passé ardu de leurs aînés sur le dos, ils portent la mémoire de ceux qui ont souffert, de ceux qui souffrent encore mais ne renoncent jamais.

Plusieurs voix se succèdent, la plupart en s’exprimant à la première personne, mais on sait tout de suite de qui il s’agit (de plus un index des familles est présent en fin d’ouvrage). Le vocabulaire et le phrasé sont adaptés à chaque narrateur. L’écriture est belle, fluide (merci à la traductrice pour son travail). L’auteur a un réel talent de conteuse. Entre les explications sur les traditions, la vie à cette époque, les rappels du passé, aucune fausse note ne se fait sentir. Ce qu’évoque Louise Erdrich est détaillé avec précision, les émotions sont rapportées et transmises avec beaucoup de justesse.

On découvre l’évolution de la bourgade de Pluto et de la réserve sur plusieurs générations, les liens qui se sont créés, ceux qui ont construit ou détruit les amitiés, les hommes et les femmes car certains actes sont extrêmement destructeurs et on n’en sort pas indemne.

Comme souvent avec Louise Erdrich, je me suis régalée, m’attachant aux personnages, me révoltant contre l’iniquité, contre la violence, contre l’irrespect. Avec doigté elle parle des maux rencontrés par ses protagonistes : alcoolisme, délinquance, problème de drogue, pauvreté, emprise des sectes etc…Elle démontre combien l’histoire collective des indiens influence les générations à venir. Elle est une porte-parole et elle le fait divinement bien, sans juger, sans pathos, simplement avec ce qu’elle est, ce qu’elle vit, transmettant dans chaque mot la voix de tous ceux qu’elle représente.


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