Le piège (Die Falle)
Auteur : Melanie Raabe
Traduit de l’allemand par Céline Maurice
Éditions : Jean-Claude Lattès (14 Septembre 2016)
ISBN : 978-2709649322
350 pages
Quatrième de couverture
Linda Conrads, écrivain à succès, n'a pas quitté sa maison
depuis que sa soeur est morte il y a onze ans, hantée par son souvenir et par
le visage de son assassin, qu'elle a vu fuir. Elle le reconnaît un jour à la
télévision et décide alors de le confondre en racontant le drame dans son
nouveau thriller et en acceptant une seule interview, celle de cet homme.
Mon avis
« Le piège de la haine, c’est qu’elle nous enlace trop
étroitement à l’adversaire. »
Milan Kundera
Linda vit recluse depuis l’assassinat de sa sœur. Elle écrit
et publie au rythme d’un livre par an. Elle ne sort pas de chez elle mais elle
n’est pas totalement coupée du monde. Elle suit l’actualité, rencontre des
personnes : son jardinier, son aide-ménagère …, en reçoit d’autres : son
éditeur, son médecin, des ouvriers pour une tâche ponctuelle…. Mais aller à
l’extérieur, dehors, elle ne peut pas l’envisager. Alors, elle s’invente des
territoires, des voyages et elle continue d’avancer malgré tout …. Elle
communique peu avec ses parents, comme si le décès de sa sœur avait créé une
faille, un gouffre infranchissable….
Et voilà, qu’un visage apparaît sur l’écran du téléviseur,
un soir et elle est persuadée de reconnaître celui dont elle a croisé le regard
il y a douze ans : l’assassin de sa sœur. C’est un journaliste du petit écran
.… Sa décision est prise : elle écrira un livre relatant ce qui s’est passé,
elle le piégera, lui fera avouer lors de l’entretien exclusif qu’elle lui
accordera.
Elle va se préparer comme les grands sportifs, se faisant
coacher, lisant, analysant, envisageant toutes les hypothèses, même les plus
folles… Elle ne néglige rien, nourrissant et entraînant son cerveau pour avoir
les bonnes réactions lorsque cette fameuse rencontre se fera….
Parallèlement au cheminement de Linda, nous découvrons les
chapitres du thriller qu’elle écrit. La police de caractère est différente et
le lecteur ne peut pas confondre les deux histoires (les prénoms sont changés).
Mais le contenu est « en miroir » avec ce qu’elle a vécu, ce qu’elle sait de sa
sœur Anna. Cette façon de faire est très intéressante parce qu’elle donne du «
poids » au quotidien de Linda, à ses choix, à ses désirs les plus profonds. On
sent vraiment qu’on rentre dans son intimité et qu’elle donne tout. Malgré
tout, on la sent fragile et on peut se demander où est la normalité dans ses agissements….
Il ne faut pas que la haine l’aveugle, lui enlève tout sens commun, qu’elle ne
maîtrise plus rien, qu’elle s’embourbe et qu’elle se trompe ….
Le moment de l’entrevue avec le chroniqueur arrive assez
vite dans le récit et on se dit que tout cela va se terminer bien rapidement et
qu’il manquera un petit quelque chose à ce roman. Ce raisonnement, c’est sans
compter sur une auteur qui a plus d’un tour d’un son sac (autant Melanie Raabe
que Linda Conrads). A partir de là, les mots « manipulation » et «
machiavélique » prennent tout leur sens. On ne sait plus qui mène l’action, qui
ment, qui dit la vérité, si les faits sont ce qu’ils sont, si Linda « se fait
des films » et si on saura un jour la vérité…. La jeune écrivain domine
parfaitement son sujet et donne, en subtilité, toute sa force dans ces pages.
Si le premier tiers se lit bien mais ne surprend pas,
(surtout si on a lu la quatrième de couverture), les deux autres sont beaucoup
plus complexes, totalement diaboliques et très addictifs. On fait des
suppositions, on imagine, puis un événement nous perturbe et on pense à une
autre piste avant de découvrir que c’est sans issue et alors repartir
ailleurs…..
L’écriture de Melanie Raabe (merci à la traductrice) est
agréable, bien rythmée et agrémentée de nombreux dialogues qui apportent
d’autres angles de vue sur les situations présentées. Les chapitres ne sont pas
trop longs, on passe rapidement d’un récit à l’autre et ces deux « entrées «
dans l’intrigue se complètent parfaitement.
J’ai eu beaucoup de plaisir à lire ce recueil. Il me semble
que les auteurs de thrillers essaient de plus en plus d’obliger le lecteur à
s’impliquer, à se poser des questions, quitte à le berner pour qu’il se dise
que la prochaine fois, il ne se fera pas prendre au piège ;-)
C’est bien, parce que le genre « polar » que certains avaient
tendance à mépriser un peu, mérite qu’on se penche sur lui et qu’on aille plus
loin qu’un jugement à la va-vite….
Melanie Raabe a de beaux jours devant elle !
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