Noir d’Espagne
Auteur : Philippe Huet
Éditions : Payot & Rivages (2 Juin 2021)
ISBN : 978-2743653040
353 pages
Quatrième de couverture
Le Havre constitue la principale escale des navires qui
ravitaillent en armes la République espagnole. Parmi les dockers locaux, Marcel Bailleul, qui ne dort plus depuis l’assassinat
de son père Victor. Après avoir finalement découvert que le meurtrier a passé
la frontière et rejoint les rangs de l’armée franquiste, Marcel cherche à
s’enrôler dans les brigades internationales. Pour retrouver cet homme et venger
son père. Par ailleurs, le journaliste Louis-Albert Fournier, envoyé spécial du
Populaire en Espagne, se voit le destin d’un Hemingway. Mais pour l’un comme
pour l’autre, quand les bombes pleuvent et que le sang coule, assouvir une
vengeance ou des rêves de gloire semble bien dérisoire…
Mon avis
Philippe Huet a été journaliste à Paris Normandie, il
connaît donc très bien la ville du Havre. C’est d’ailleurs là que commence son
récit. Nous sommes en 1936 et le Front Populaire commence à s’essouffler, Léon
Blum souhaite une pause. Plus bas, de l’autre côté de la frontière, en Espagne,
le pays sombre dans le chaos et la guerre civile après le putsch de Franco.
Marcel Bailleul est docker, son père a été assassiné et il
traîne en lui une soif de vengeance qui l’empoisonne. Ça le ronge tellement que
son couple en pâtit. Il n’a plus d’énergie jusqu’au jour où il découvre en plus
du nom du tueur, que celui-ci vient de s’engager auprès des franquistes. Et si
lui aussi partait pour l’Espagne, se battre et traquer cet homme afin de le
faire disparaître ? Il s’en va et se lie avec les Brigades
internationales, bien décidé à faire le nécessaire pour que son esprit soit en
paix. Il est rapidement pris en charge et découvre des hommes à l’affût. On lui
demande d’espionner les uns ou les autres, de rendre des comptes à ceux qui se
placent ici ou là en « patron ». Il n’est pas forcément à l’aise pour
évoluer dans ce milieu.
En parallèle, on découvre une famille bourgeoise, les
Hottenberg. Un père, le patriarche, vieillissant, continue de mener sa famille
où il l’a décidé, l’air de rien. Sa dernière idée ? Racheter le journal le
« Havre-Éclair ». Ce n’est pas vraiment du goût de ses deux filles
mais bon, c’est ainsi. Les deux sœurs ont des vies personnelles bien difficiles,
l’une est veuve, l’autre a un mari gravement handicapé. Mais elles ne se
laissent pas abattre ! D’ailleurs, Hortense a pour amant un journaliste,
Louis-Albert Fournier. Voilà que le Populaire demande à ce dernier de partir en
Espagne pour faire un reportage. Une occasion à ne pas laisser passer, il est
fier d’avoir été choisi et il compte bien en revenir grandi. Il s’imagine déjà
en grand reporter de guerre. Sauf que sur le terrain, c’est rarement comme on l’a
pensé….
Bien documenté, enraciné dans l’Histoire, avec des
personnages crédibles, ce livre se découvre avec plaisir. L’auteur analyse les
différences entre les couches sociales : la classe populaire, la
bourgeoisie et tous les autres n’ont pas les mêmes combats, les mêmes souhaits,
les mêmes envies. Il montre comment en terre hispanique, tout est déséquilibré,
chaque homme doit se méfier de son voisin. Il décrit avec un style précis les
lieux, les ambiances, les protagonistes, les faits. Son écriture est acérée,
« Dans un siècle, les riches voudront toujours être plus riches, et les
pauvres n’auront qu’à fermer leur gueule quand on leur dira que c’est eux qui
gaspillent le pognon ! », rugueuse parfois.
Plusieurs points de vue sont offerts aux lecteurs, c’est intéressant
car les ressentis des individus, pour un même fait, ne sont pas identiques.
Chacun sa sensibilité, son interprétation et suivant ce qu’on souhaite, on peut
être emballé ou désabusé. Chez les « combattants », l’atmosphère est
particulière : solidarité mais aussi suspicion. Le danger est permanent,
il faut être sur ses gardes. Dans la famille Hottenberg, la méfiance est
présente également de temps à autre. De beaux portraits d’hommes et de femmes
pour un roman qui mêle aspect social, politique et approche policière dans une période
historique présentée avec brio (sans doute une belle recherche documentaire).
NB : j’aime beaucoup la couverture !
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