"Invisible" d'Antonio Dikele Distefano (Non ho mai avuto la mia età)

 

Invisible (Non ho mai avuto la mia età)
Auteur : Antonio Dikele Distefano
Traduit de l’italien par Marianne Faurobert
Éditions : Liana Levi (7 Octobre 2021)
ISBN : 9791034904556
226 pages

Quatrième de couverture

Enfant, le narrateur de ce roman l’a été trop brièvement. Dès l’âge de sept ans, il se pense «invisible». Invisible pour ses parents occupés par leurs conflits personnels. Invisible pour ceux qui le croisent dans la rue et ne voient que sa couleur de peau. Et invisible pour l’État italien, car il lui est impossible d’obtenir la nationalité de ce pays dans lequel il est né de parents étrangers. Quelle est alors son identité puisqu’il ne connaît pas l’Angola, terre de ses ancêtres ? Replié sur lui-même, Zéro -c’est ainsi qu’on le surnomme-encaisse les coups durs à chaque étape de sa vie.

Mon avis

Antonio Dikele Distefano est né en Italie de parents angolais. Sa Maman a ouvert un magasin d’alimentation exotique où il entendait les gens raconter leur vie. Alors, plus tard, il a écrit des histoires, tout en étant passionné de rap. Un éditeur l’a remarqué (il publiait sur Facebook) et c’est comme ça qu’il s’est mis à écrire des romans. « Invisible » est le quatrième et il a donné naissance à la série « Zéro » sur Netflix.

Zéro, c’est le narrateur de ce récit, on le suit de sept à dix-sept ans. Il est né italien, mais sa couleur de peau le rend étranger. Il est de nulle part puisque sur place, il n’est pas « reconnu » et là-bas, en Afrique, il ne peut pas y aller. Ses parents se séparent, la mère le garde puis elle finit par l’envoyer, avec sa sœur Stefania, chez leur père. Une vie meilleure ? Pas du tout.

Bien sûr, il y a les après-midis et les soirées avec les copains, les rêves qui permettent de croire en tous les possibles (avec une scène magnifique sur un toit), mais surtout les désillusions, le racisme quand on est rejeté, partout, comme si, marqués au fer rouge, vous ne pouviez pas être acceptés comme une personne ordinaire. Dans la cité où il habite, Zéro se lie avec d’autres garçons comme lui. Ils se comprennent, se soutiennent, jouent au foot (en se voyant déjà dans de grands clubs), font du vélo, regardent les filles et rient… Les espaces autour des HLM sont leur terrain de jeu. Ils savent qu’il faut se méfier des Blancs car comme le dit la mère : « Les Blancs voient toujours de la méchanceté chez les Noirs ».

Enfant, pour Zéro, ses amis sont à la fois son pays, sa maison, sa famille… Il n’a qu’eux. Sa frangine fait ce qu’elle peut et les parents ne sont pas très présents, pas investis (ou mal) dans leur rôle d’éducateurs. Zéro grandit sans confiance et ça le conditionne, il ne se sent pas légitime, toujours coupable ou presque. Il a le sentiment de ne pas avoir le droit d’être là, d’être en couple … Il y a toujours une assistance sociale, un propriétaire à qui son paternel doit des loyers, une personne agressive, pour déstabiliser le peu qu’il arrive à construire avec sa famille. Stefania l’aide, le conseille mais elle aussi vit des situations délicates.

C’est un récit qui fait un focus sur le quotidien d’un jeune. Un anonyme parmi tant d’autres, un invisible qui grandit trop vite, qui n’a pas d’âge (c’est le titre en italien) parce que c’est comme ça quand on doit assumer les failles des adultes. Comment penser à l’avenir lorsque vous ne pouvez pas vous projeter, comment espérer des jours meilleurs si la moindre amélioration est aussitôt suivie d’une débâcle ?

Comme le montre l’auteur, tout n’est pas que tristesse. Les jeunes sont contents d’un rien, de pédaler, de faire des blagues, de jouer au foot mais ce ne sont que des accalmies…. Pour autant, Zéro ne se plaint pas, il constate, il raconte ses rencontres, ses espoirs, ses échecs, ses erreurs, ses frayeurs, et à travers lui, c’est la voix de beaucoup d’invisibles qui s’élève, comme un cri qui enfle au fil des pages. « Je m’effaçais par crainte d’être jugé et exclu. »

J’ai trouvé ce roman émouvant, superbe. Plutôt que de nous parler de racisme et des difficultés à être africain dans un pays de Blancs, l’auteur nous conte l’histoire d’un garçon que l’on voit grandir, confronté à une société où il ne trouve pas sa place.

L’écriture (merci à Marianne Faurobert qui ne me déçoit jamais lorsque je lis un texte qu’elle a traduit) est lumineuse, élégante, porteuse de messages sans jugement. On souffre, on rit, on espère mais surtout on avance au côté de Zéro et on l’aime !

Un petit extrait pour le plaisir :

« J'ignorais qu'oublier une personne qu'on aime est plus difficile que de décider de ne plus la voir. Pour avancer, on est obligé de tuer une partie de soi et d'habiter le vide de la perte, et d'accepter qu'on ne sera plus jamais le même qu'avant. »


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