"Fairyland" d'Alyssia Abbott (Fairyland)

Fairyland  (Fairyland)
Un poète homosexuel et sa fille à San Francisco dans les années 1970
Auteur : Alyssia Abbott
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Nicolas Richard
Éditions : Globe (10/18) (7 Mars 2024)
ISBN :9782267049381
464 pages

Quatrième de couverture

1974. Après la mort de sa femme, Steve Abbott, écrivain et militant homosexuel, déménage à San Francisco. Avec sa fille de deux ans, Alysia, il s'installe dans le quartier de Haight-Ashbury, le centre névralgique de la culture hippie.

Mon avis

Ce récit aurait pu être écrit par le père de l’auteur mais il est décédé quand elle avait à peine vingt-deux ans. Des années plus tard, elle a repris les journaux intimes, les textes, les lettres de son Papa, ses souvenirs personnels, quelques photos, et elle s’est lancée. Dans ce livre, sur fond d’années sida pratiquement impossible à soigner, c’est l’amour, d’un père et de sa fille, accompagné d’un quotidien un peu bohème que le lecteur découvre. C’est représentatif d’une époque, d’un certain mode de vie, de choix le plus souvent assumés. C’est empli d’une forme de douce et tendre folie, de poésie.

Alyssia avait deux ans lorsque sa mère est morte. Son père décide alors de partir avec elle à San Francisco où il pense que ses penchants homosexuels seront plus faciles à assumer. La fillette le suit de locations (quand il paie) en hébergements chez des « amis ». Lui, ce qui le motive, c’est la poésie, c’est son moteur, son ambition. On ne s’improvise pas père alors il galère et sa gosse avec lui. La marginalité du paternel rejaillit sur elle et fait d’elle une marginale, les autres gamines la persécutent. Elle se tait, ça pourrait empirer. Elle sent, elle sait, que ce n’est pas la norme mais pas vraiment le choix.

« Il allait me falloir des années […] avant que je perçoive ma différence comme l’éclat désirable de la vie bohème »

Elle n’a pas « le rôle » d’une petite fille. Elle est la seule relation continue et stable de son paternel. Il fait tout pour elle et elle fait tout pour lui. Elle reçoit ses confidences, trop quelques fois, mais elle est là pour lui-même si ça lui pèse à certains moments.

Quand elle est jeune, elle le voit fréquenter des personnages atypiques, faire des soirées qui n’e finissent pas. Elle devrait être au lit et se retrouve sur le siège d’une voiture ou sur les genoux d’un copain. Elle ne dit rien. Inconsciemment, elle le protège par ses actes, par ses silences.

Plus tard, même quand ils sont un peu éloignés, jamais ils ne s’abandonnent. Parfois, elle se questionne sur sa mère, son attitude avant sa mort. Mais elle revient vite à celui qui remplit toute sa vie. Plus grande, elle s’éloigne, va vivre à Paris mais quand il appelle, elle vole à son secours.

Pas facile d’élever un enfant quand on essaie de se « nourrir » de la poésie, qu’on mène une vie bohème et qu’on souhaite assumer son homosexualité. C’est un sacré défi !

Au-delà de cette forte relation père / fille, l’auteur nous fait découvrir Sans Francisco en 1970/ 1980. Le sida qui fait son apparition et dont elle espère qu’il épargnera son père, les événements politiques, les soirées etc. Elle partage des anecdotes, des peurs, des espoirs, des coups de mou, des éclairs où tout paraît possible. Parfois, elle en a assez, elle veut dire non, stop, mais elle repart parce que le lien qui unit ces deux-là est tellement solide qu’il ne peut en être autrement.

Texte intime, intense, avec une écriture fine (merci au traducteur), Alyssia montre combien il lui a été difficile de se construire. Elle ne souligne pas les manquements de son père (même si le lecteur les lit), elle ne lui en veut sans doute pas mais on comprend bien que parfois elle était totalement déstabilisée, presque abandonnée, elle aurait pu être signalée aux services sociaux je pense. Mais à côté de ça, je crois que cette vie unique, indéfinissable l’a « forgée » et a fait d’elle la femme qu’elle est. Une écrivaine lucide qui nous offre un portrait de famille d’une authenticité bouleversante.

 

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