"Dios et Florida" d'Ivy Pochoda (Sing Her Down)

 

Dios et Florida (Sing Her Down)
Auteur : Ivy Pochoda
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Adélaïde Pralon
Éditions : Globe (6 Mars 2025)
ISBN : 978-2383613374
338 pages

Quatrième de couverture

Florence « Florida » Baum se fait discrète dans la prison pour femmes d’Arizona où elle purge sa peine. Elle a beau se considérer comme victime des circonstances, Dios, son ex-codétenue, ne l’entend pas de cette oreille. Elle sait que Florida se cache derrière des excuses pour nier la violence qui l’habite. Lorsque les deux femmes sont libérées de manière anticipée, Florida n’a qu’une idée en tête : récupérer sa Jaguar à Los Angeles pour s’oublier sur les routes. Mais l’obsession de Dios pour Florida se dresse sur son chemin.

Mon avis

Elles sont en prison : Florida, Dios et Kace. On découvre leur quotidien ardu, avec pas mal de violence. Chacune essayant d’être forte et de tenir au milieu de tout ce marasme. On commence à cerner les personnalités, on sent bien que l’une des femmes domine et veut décider de tout. Elle pense que les autres sont comme elle.

Et puis, comme nous sommes en plein confinement, c’est la remise de peine avec une libération anticipée. L’obligation de rester dans un hôtel pour les quinze jours de quarantaine (mais oui, on vous livrera de quoi manger, enfin, ça c’est la promesse ….). Que faire de cette « liberté » lorsqu’on a passé des journées entières dans peu de mètres carrés, à faire peu de choses, à part tourner en rond et faire attention à sa vie ?  Florida est perdue, elle attend la livraison des repas qui ne vient pas. Elle sait qu’elle doit rester deux semaines mais son sang bout, elle n’en peut plus. Elle est dehors sans y être tout à fait. Il y a toujours quatre murs et cette espèce de vide qui l’habite. Et puis cette envie obsédante : récupérer sa jaguar et tracer la route, vivre enfin, rouler et se laisser porter….

Ça la démange de bouger, d’agir, mais les conditions sanitaires bouleversent les codes, comment faire ? Elle se décide et là, Dios surgit, comme venue de nulle part. Imposant sa violence, sa présence, ses décisions. Orientant les choix de Florida. Mais cette dernière a-t-elle besoin d’être prise en charge ? D’être guidée ? N’est-elle pas capable de faire les bons choix sans se laisser influencée ? Ne va-t-elle pas être entraînée malgré elle ?

C’est une cavale infernale qui se met en place. Des rencontres peu ordinaires, des personnes atypiques, des liens qui ne sont pas faits pour durer. On découvre une Amérique où chacun galère, ne peut pas se confier, doit se débrouiller et ne tend pas vraiment la main. Dios « poursuit » Florida de son « amitié ». Elle l’étouffe, elle est persuadée que cette dernière a une part de brutalité contenue et qu’elle doit l’aider à l’exprimer. La course s’accentue, plus rien n’est maîtrisé, c’est dur, ça pulse, les mots s’entrechoquent.

Les points de vue sont multiples (le prénom ou le nom sont indiqués en tête de chapitre). Seules Kace et Dios disent « je », pour les autres il y a un narrateur. J’ai pensé que Florida ne pouvait pas s’exprimer à la première personne, comme si, même sa vie ne lui appartenait plus….

C’est un récit âpre, qui remue, à l’écriture sèche, pleine de questionnements. Les dialogues interpellent sur la place de violence, celle qu’on donne, celle qu’on reçoit, celle qui détruit tout sur son passage, même les âmes humaines…

Ivy Pochoda analyse avec finesse toutes les émotions traversées par les uns et les autres. Elle a sans doute bien observé pour retranscrire ce qu’elle évoque, avec, entre autres, cette ambivalence entre les deux ex détenues, entre attirance et rejet, admiration et dégoût.

Ce sont des portraits de femmes qui fuient (Mais quoi ? Elles-mêmes ? La vie ? N’ont-elles pas tout simplement peur de l’inconnu ?), dans toute leur « nudité » (au sens où rien n’est vraiment caché), que nous offre l’auteur et c’est particulièrement réussi.


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