Il est long le chemin du retour (Guide Me Home)
Auteur : Attica Locke
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Nicolas Paul
Éditions : Liana Levi (27 Mars 2025)
ISBN : 979-1034910625
340 pages
Quatrième de couverture
Une étudiante noire a disparu, mais personne ne semble s’en
inquiéter à part son ami sans papiers Rey – qui a retrouvé son t-shirt
ensanglanté dans la forêt – et la femme de ménage de la sororité d’étudiantes
blanches où elle vivait. Cette femme n’est autre que la mère de Darren Mathews
: elle saisit l’occasion pour tenter de renouer avec son fils. Celui-ci accepte
à reculons de se pencher sur la disparition de la jeune fille, formant avec sa
mère un improbable duo d’enquêteurs. La disparition de Sera les entraîne
d’abord sur la piste du harcèlement raciste, puis sur celle de l’entreprise qui
emploie et loge la famille de la jeune fille : Thornhill.
Mon avis
Avant de dire quoi que ce soit sur ce roman, je tiens à saluer
le courage dont fait preuve Attica Locke. Elle est née au Texas et dans ses
écrits, elle s’interroge sur les tensions raciales dans le Sud des Etats-Unis
(elle est bien placée pour en parler car elle a des origines africaines) et elle
le fait avec brio mêlant fiction et réalité.
C’est le troisième titre qui est publié aux éditions Liana
Levi. On y retrouve Darren Mathews, un Ranger noir (ce qui est rare, il faut le
souligner), miné par une histoire personnelle difficile dès son enfance (il est
en froid avec sa mère). Il a divorcé, il est maintenant amoureux de Randie mais
il boit trop. Il se questionne sans cesse sur son rôle, se sentant écartelé
entre la vérité du terrain et ce qu’a promis Trump (on est 2020, quatre ans
après l’élection). Il est désappointé et sa fierté de faire ce métier a
disparu. Le racisme latent, même envers lui qui représente l’autorité, le
dérange. L’application disparate des lois le gêne, la suprématie blanche l’insupporte
alors il a fini par démissionner.
Et voilà que celle qui l’a mis au monde débarque chez lui.
Il n’a pas envie de lui parler mais elle l’interpelle. Elle fait le ménage dans
une sororité où se côtoient des étudiantes venues de tous les milieux. Mais
elle a le sentiment que l’une d’elles, Sera, a disparu. Elle est persuadée que
ce n’était pas volontaire et qu’elle a sans doute été harcelée à cause de la
couleur de sa peau. Darren s’en fiche, il n’a pas envie de se mêler de cette
histoire et puis … Il y va et découvre des jeunes filles blanches qui le
regardent de haut, méprisantes face à lui. Il ne veut pas en rester là et rend
visite aux parents de cette élève. Ils habitent Thornhill. Une « cité »
où ils sont logés, aidés par leurs patrons et où « tout va bien ». Mais sous des dehors bien « policés »,
n’y-a-t-il pas anguille sous roche ? Se fiant à son instinct, l’ex fonctionnaire
décide de creuser, de fouiner. Il est malgré tout sur la corde raide car il
risque d’être jugé pour une ancienne affaire et il est « surveillé »
de près.
Ce récit est exceptionnel, c’est pour moi le plus abouti des
trois que j’ai lus. L’auteur ose parler politique, glisser des faits réels (les
afro-américains ayant voté pour Trump, en lui faisant confiance avec ses beaux discours,
qui sont déçus et ne le disent pas) dans un texte qui multiplie nos émotions. Elle
est dure avec le gouvernement, elle ne mâche pas ses mots, elle a les yeux
ouverts et ouvre les nôtres.
« Or, un charlatan talentueux avait pris le volant,
et atteint la Maison-Blanche. On racontait qu’il avait prononcé plus de dix
mille mensonges depuis qu’il avait prêté serment, et enfreint un nombre incalculable
de lois. »
Elle a superbement construit son intrigue. On suit les protagonistes
d’un bord ou d’un autre, avec leurs peurs, leurs difficultés, leur attitude
face aux obstacles, leurs mensonges pour s’arranger avec la vérité. Darren en
apprend plus sur ses premières années, il est déstabilisé, se reprend, replonge
… Il est terriblement humain et attachant.
Cette lecture m’a bouleversée par tout ce qu’elle véhicule
et procure de réflexions et d’émotions. Le cœur et l’esprit sont touchés indéniablement.
NB : à lire avec un album d’Aretha Franklin pas trop loin …
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