"La ronde de nuit" de Bora Chung (한밤의 시간표)

 

La ronde de nuit (한밤의 시간표)
Auteur : Bora Chung
Traduit du coréen par Kyungran Choi et Pierre Bisiou
Éditions : Rivages (5 Mars 2025)
ISBN : 978-2743666248
176 pages

Quatrième de couverture

Une gardienne de nuit raconte ses rondes dans les couloirs d’un étrange institut de recherche où sont conservés des objets paranormaux. Chaque laboratoire recèle un mystère.

Mon avis

C’est avec ce recueil de nouvelles que je fais connaissance de Bora Chung. Elle est coréenne, née en 1976, elle écrit et traduit. Elle enseigne la littérature et les études de textes de science-fiction. Elle est également très active sur le plan social. « La ronde de nuit » est son second titre traduit en langue française.

Ce sont des mini récits fantastiques, avec juste une pointe de paranormal. J’ai été conquise parce que ça garde un aspect réel, il y a seulement quelques petits phénomènes bizarres qui montrent que ça ne tourne pas « de façon normale ».

Tout est lié à un institut de recherches avec des laboratoires fermés à clé. Sur place, l’Ancienne (avec une majuscule) est là. C’est une femme âgée aveugle qui « voit » tout et sent les événements. Quelques fois, elle raconte, ou bien le ou la protagoniste principal-e du petit texte prend la parole en disant « je ».

C’est seulement la nuit que le lecteur « visite » avec ceux qui surveillent les lieux. Ils font des tours à heure régulière, ne croisent jamais personne. Ils ont des consignes très strictes : ne pas ouvrir les portes, garder leur téléphone éteint et s’ils pensent voir un fait sortant de l’ordinaire, l’ignorer et continuer leur chemin etc… Mais avouez que c’est bien tentant d’essayer de savoir, de glisser son œil dans un trou de serrure, de coller son oreille contre une cloison ou de tenir tête à celui que vous rencontrez alors que vous êtes censés être seuls, surtout lorsqu’on vous a répété que c’était interdit.

Sauf qu’à la moindre incartade tout part de travers et plus rien n’est « maîtrisable ». Il se passe des choses bizarres et si certains essaient d’analyser ou de comprendre, ils perdent encore plus pied, jusqu’à se demander s’ils n’ont pas des hallucinations.

Ceux dont on raconte l’histoire ont eu de temps à autre une attitude qui n’était pas « la bonne », en désobéissant, ou en n’étant pas en « phase » avec ce qu’on attendait d’eux. Comme s’il était nécessaire de rester dans un « moule », de ne pas dévier (on ne se risque pas, par exemple, à ressentir des sentiments pour une personne du même sexe). Alors est-ce que les objets « connectés » et cachés dans les labos se vengent ? Est-ce que les esprits décident de punir les « fautifs » ?

De nombreux thèmes sont abordés par l’intermédiaire de ces textes. La culpabilité, la vengeance, la différence, l’isolement lorsqu’on n’est pas dans la « norme ». Se pose alors la question de savoir ce qu’est la « règle » s’il n’y a plus de place à l’imprévu, à la fantaisie, à l’imagination, à l’ouverture d’esprit, à la curiosité…

L’écriture (merci pour la traduction) est détachée, observatrice, décrivant sans empathie… Du moins en apparence, parce qu’une certaine forme de tendresse se dessine envers les personnages. On sent que l’auteur n’est pas indifférente à leur devenir et elle entretient le mystère à merveille.

Cette lecture m’a transportée et enchantée. J’ai aimé ce fragile équilibre entre fantastique et réalité, on passe de l’un à l’autre en se laissant emporté par les mots, les phrases qui font peur ou sourire ou rêver…. C’est délicat, inspiré et très agréable à lire.

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