Les algues mortes
Auteur : Claude Soloy
Éditions : Krakoën (14 Septembre 2011)
ISBN : 9791090324107
245 pages
Quelques mots sur l’auteur :
Claude Soloy est né en 1941 sous une pluie de bombes... Fils d’une
corsetière et d’un aiguilleur-S.N.C.F. (Baleines et petites aiguilles ! Joli
titre pour un roman…)
Professeur de lettres de L.E.P. dans la banlieue rouennaise, il mène de front
une activité picturale (24 expos), une activité littéraire (Rencontre avec
Louis Aragon, René Char… ) à laquelle il s’adonne désormais.
Comédien et auteur (Adaptation du « Taureau blanc » de Voltaire, des « Oiseaux
» d’Aristophane…), il crée le Théâtre de l’Ecart en 1981 et participe à de
nombreux récitals poétiques.
Intervenant « expression corporelle » et « atelier d’écriture(s) » dans les
écoles de la petite enfance et les collèges, il monte des spectacles variés
(Sur la préhistoire, les chiffres, les euclidiennes…)
Quatrième de couverture :
Névé, belle à damner le diable, tourne en rond sur son île. Elle compte les
fourmis et se branlote entre deux vagues… toujours en quête d’un père. Illustre
inconnu à l’état civil de la planète, elle décide néanmoins de le tuer. Quoi de
plus normal pour la fille d’Ella la Rouge, adepte de Sigmund Freud. Mais
peut-elle passer à l’acte, y compris symbolique, sans qu’elle sache qui est son
véritable géniteur ? Aussi une incursion sur le continent s’impose-t-elle pour
y mener enquête et y célébrer officiellement les noces de sa mère et de son
amant sur un modeste banc de béton fouetté par les embruns, quelque part sur le
plancher des algues. Tant pis pour l’excès de sel et ses conséquences néfastes
…
Mon avis :
Surréaliste ?
Lorsqu’on découvre le parcours de Claude Soloy, on ne
peut que comprendre son écriture …..
Surréaliste, déjanté, déstructuré, surprenant, virevoltant, curieux, étrange,
fascinant, son roman est tout cela à la fois …
Il faut accepter de rentrer dans « l’esprit des lieux », de se laisser happer
par l’instabilité des mots, par la folie des images, par l’originalité des
situations pour appréhender l’écriture, la savourer, s’en délecter et parfois
murmurer un « Oh…. » légèrement offusqué ….
L’écriture est présentée de trois façons, avec trois polices de caractères
différentes.
Il y a les caractères gras, pour les mots un peu « gras », parfois choquants,
qui représentent essentiellement les pensées du personnage principal, Névé. Le
plus souvent, elle « parle » ainsi à son père qu’elle recherche. Peut-être
est-ce pour elle le seul moyen de se défouler, de vider son sac, d’exprimer
tout ce qui la ronge, l’étouffe …
« Et la pauvre logeuse cul esseulé comptant ses écus. »
Qui, dans son esprit, ne se laisse pas parfois aller à abreuver une autre
personne d’insultes dissonantes, que jamais il ne prononcerait à voix haute.
Qui n’a pas lâché un « mais quel c… ! », seul dans sa voiture, alors qu’en
public, jamais ce mot ne franchira ses lèvres ?
Nous découvrons donc l’esprit de Névé, ses raisonnements troublés, ses idées
dissolues ….
C’est dérangeant, parfois choquant … Il n’y a pas toujours une ponctuation
régulière, adaptée … C’est halluciné, comme un poème "Baudelairien",
sans queue ni tête pour certains, empli de poésie pour d’autres ….
Il y a les phrases en italiques pour les dialogues, assez classiques,
structurés, posés qui éclairent sur le contenu de l’histoire, les relations
entre les personnages, les différents événements ….
Enfin, il y a le texte du roman, des phrases quelquefois longues, très longues,
faites de descriptions lyriques où les mots s’emballent mais restent dans un
cadre ….
« Quand on arrivait à la gare, après avoir coupé à travers les pelouses du
jardin public, c’était d’autres saveurs, celle du béton craquelé et des
guichets à l’ancienne aux fers corrodés, celle des traverses du chemin
métallique …… »
Parfois au milieu d’une phrase emphatique, un détail ou un mot un peu cru,
histoire de nous remettre les pieds sur terre si on croit être partis en «
poésie » ….
Car il est là, le cœur du roman, pas tellement dans l’intrigue, plus ou moins
débridée, pas forcément fascinante, mais dans la construction originale,
déroutante, intrigante … et aussi dans la capacité de l’auteur à faire vivre
les mots de toutes les façons possibles …
En effet, Claude Soloy manie le « verbe » avec dextérité, avec
jubilation et enthousiasme. Il joue avec les mots, les fait résonner, les fait
chanter, murmurer ou hurler … Avec lui, les mots sont comme autant d’outils
pour toucher le lecteur, que ce soit pour l’émerveiller, le charmer, le mettre
en colère, le déstabiliser ….
Névé, au centre de ce récit, mène l’enquête pour retrouver son père. Ses
recherches l’emmèneront ça et là, au gré de ses pas, au fil de ses visites ….
Elle cheminera en actes, mais aussi en pensées …. Nous nous attacherons à ses
pas car sous ses airs arrogants, hautains, c’est une fille sensible, torturée,
qui souffre ….
Je crois que l’auteur a eu beaucoup de plaisir à nous faire découvrir la langue
française sous différentes formes dans le contexte d’un seul et même roman, en
traitant une intrigue sous différents regards …
Je pense qu’il faut avoir l’âme un peu poète et un certain goût pour le
surréalisme (mon poète préféré est Paul Eluard ….) pour ressentir toute la
puissance d’écriture de ce livre ….
A noter : la photo de couverture, négatif d’une photo de visage, signée C.S. ….
Initiales de l’auteur …. Est-il le photographe?
Photo d’un visage surpris, les cheveux ressemblant à des algues ….
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