Seuls sont les indomptés (The Brave Cow-Boy)
Auteur : Edward Abbey
Traduit de l’américain par Laura Derajinski et Jacques Mailhos
Éditions : Gallmeister (Totem) (7 Novembre 2024)
ISBN : 978-2404080376
404 pages
Quatrième de couverture
Au milieu des années 1950, Jack Burns reste un solitaire, un
homme hors du temps. Il s’obstine à parcourir le Nouveau-Mexique à cheval, vit
de petits boulots et dort à la belle étoile. Lorsqu’il apprend que son ami Paul
vient d’être incarcéré pour avoir refusé de se soumettre à ses obligations
militaires, Jack décide de se faire arrêter. Retrouver Paul en prison et
s’évader ensemble, tel est son plan.
Mon avis
Dans un avant-propos à l’édition de 1971, l’auteur précise
qu’il a écrit ce texte en 1955. Il pensait alors être un des deux seuls
anarchistes du pays, ainsi qu’un jeune gars passionné et assez imbécile. Il a
fait très peu de modifications car il considère que cette histoire ne lui
appartenait plus.
Avant un court prologue, la ballade du brave cow-boy, très
poétique, met déjà le lecteur dans l’ambiance. Suivent alors quatre parties,
chacune consacrée un peu plus à un personnage, même si tous se croisent dans le
récit.
On est en 1950, Jack Burns est un homme à part, totalement
atypique, un électron libre, anticonformiste. Logement et travail fixes, ce n’est
pas pour lui. Il va et vient, sans papiers officiels, au gré de ses besoins et
de ses envies. Il se déplace à cheval, avec sa carabine et sa guitare. Il se
sent déphasé dans ce monde. Que l’on soit au XX ème siècle ou pas, il s’en
fiche. Il fait et vit comme cela lui semble juste, il refuse les concessions.
Il entend mener son quotidien à sa guise. La liberté est son moteur, la nature est
sa maison.
« Pauvre Jack, pauvre vieux Jack-né trop tard, au
mauvais endroit, au mauvais moment. Regarde-le, ce professionnel de la
débrouille, prisonnier de la réalité, en quête d’un tunnel pour retourner dans
son univers onirique de gamin, un monde de grands espaces, de chevaux et de
soleil. »
Il est allé à la faculté et il est devenu ami avec Paul
Bondi qu’il voit rarement mais à qui son amitié reste dédiée.
Bondi, c’est l’intello, il est en train d’écrire un livre et
souhaite transmettre ses connaissances aux étudiants. Mais il a « oublié »
de s’engager pour la conscription. Il pensait être à l’abri. Sa femme et son
fils se retrouvent seuls et lui atterrit en prison. Il va sans doute purger une
peine de deux ans.
Jack apprend que son pote est enfermé et il se pointe chez l’épouse
de celui-ci, lui promettant de faire quelque chose. Il pense que Paul deviendra
fou s’il ne sort pas rapidement et il entend bien remédier à ceci. Aider son
camarade n’est pas une éventualité, pour lui ça coule de source. Il ne se pose
pas de question, il agit.
Les deux hommes n’ont pas le même rapport à la modernité, à
la loi, à la vie de tous les jours mais le dialogue et le respect sont présents
entre eux. Ils savent échanger en toute confiance.
Jack, ce cow-boy solitaire, est attachant. Oui, il est en
marge de la société. Pour les autorités, il est dangereux, mais l’est-il
vraiment ? Dans le bureau du shérif, il y a quelques hommes qui oublient
de réfléchir, qui franchissent la ligne rouge, se croyant au-dessus de tout.
Ils m’ont exaspérée ces gros bras sans cervelle.
Edward Abbey décrit à merveille les grands espaces où se
déroulent ce récit. Il aime ces lieux qu’il nous présente avec des « images »
qui donnent envie de découvrir l’adaptation en film (avec Kirk Douglas). Les
dialogues sont teintés de philosophie et complètent le texte en apportant une
touche de réflexion intéressante sur la politique, le racisme, les excès de confiance
des « policiers », les choix et les décisions des hommes face à la
norme ou ce qu’on pense qu’elle est….
Son écriture (merci aux traducteurs) est fine, de qualité,
posée. Même lorsque les événements s’emballent, on sent un certain regard empreint
de discernement. Il pose les faits, le rythme s’accélère à peine mais la
tension monte.
J’ai énormément apprécié cette lecture. J’y ai retrouvé tout
ce que j’aime : des personnages qui « dégagent » quelque choses,
une histoire qui tient la route en procurant des émotions diverses et un
contexte parfaitement présenté et installé ! Une réussite !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire