Auteur: Irvin Yalom
Traduit par Clément Baude
Editions: Le Livre de Poche (Mars 2010)
ISBN: 978 2253129455
Nombre de pages: 504
Quatrième de couverture
Venise, 1882. La belle et impétueuse Lou Salomé aborde le Dr
Breuer, ancêtre de la psychanalyse et mentor du jeune Sigmund Freud. Elle vient
solliciter son aide pour son ami, Friedrich Nietzsche. Le philosophe est encore méconnu du grand
public. Après l'échec de son ménage à trois avec Lou Salomé et Paul Rée,
Nietzsche est plongé dans le plus profond désespoir. Irvin Yalom imagine la
rencontre fictive entre Breuer et Nietzsche, véritable partie d'échecs entre
les deux hommes, qui concluent alors un pacte pour tenter de se guérir l'un
l'autre. Et c'est à une nouvelle naissance de la psychanalyse, dense, ludique
et originale, que nous convie Irvin Yalom.
Mon avis
Ce livre se lit comme un roman, il est d’ailleurs référencé
« roman » mais ce n’est pas un roman ordinaire.
Il fait côtoyer des personnages ayant existé à la même époque
mais ne s’étant jamais rencontrés dans la réalité. L’auteur imagine donc les
rencontres, les dialogues, les visites…et en même temps, certains éléments sont
historiques. On y parle aussi de philosophie et de psychanalyse.
C’est très bien écrit et bien qu’il n’y ait, à proprement
parlé, pas de suspense, on se laisse emporter par le récit.
Le Docteur Breuer (qui a initié Freud à la psychanalyse) va,
à la demande de Lou Andréa Salomé, rencontrer Nietzsche, qui souffre et essayer
de le soigner. Nietzsche qui dit : « la maladie frappe mon corps mais ce n’est
pas moi ».A travers des réflexions (qui font parfois suite à un dialogue entre
les personnages), des dialogues, des échanges, des lettres, des « notes »
écrites par les personnages, on apprend beaucoup sur le couple, la vie, la
mort, les questions existentielles (pourquoi j’existe, pourquoi je souffre ?
qui suis-je ? etc… ), l’incidence du passé.... On suit les pensées et le
cheminement de chacun et on voit comment sont mises en place certaines
thérapies par la parole, à travers la parole (page 157, le terme employé est «
cure de la parole »)…On se demande qui soigne qui, si les rôles ne s’inversent
pas entre Nietzsche et Breuer lorsqu’ils discutent tous les deux au début du
livre (je n’en dis pas plus pour ne pas dévoiler le déroulement.)
Mais il n’y a pas qu’eux.... avec d’autres personnes, on
découvre comment sont analysés certains faits (l’hydrophobie par exemple), les
rêves, les passions, les obsessions, les peurs, l'oubli, le néant, etc…
Breuer fait une « autoanalyse », il réfléchit à ce qu’il est
et ses questions nous servent parfois de miroir.
Lorsque Breuer pense : « Qu’ai-je perdu de la vie, faute,
simplement, d’avoir su regarder ? Ou d’avoir regardé sans rien voir ? », On
prend cette interrogation en pleine face…Et nous qu’avons-nous perdu de notre
vie ?
Breuer et Nietzsche s’observent, s’écoutent, se parlent,
échangent, parfois avec prudence, parfois avec vivacité, ils avancent dans la
connaissance de l’autre et dans leur propre connaissance, ils utilisent chaque
expérience, chaque vécu, comme autant de pièces d’un puzzle pour « être mieux
avec soi-même et les autres ». Ces deux hommes ont en commun un certain «
désespoir », une espèce de solitude…
On a aussi une approche de Vienne et de son ambiance à la
fin du 19 ème siècle.
A travers ce livre, j’ai eu l’impression de « suivre »
différentes réflexions, différents regards menant à la « naissance » de la
psychanalyse(même si tout cela est fictif, la psychanalyse n’étant pas née de
cette rencontre qui n’a pas existé…) On sent que les personnages veulent soit
en aider d’autres, soit s’aider eux-mêmes en comprenant leur fonctionnement, en
aidant les « âmes » à s’exprimer, en faisant « sortir » ce qui est enfoui en
nous, que nous refoulons, refusons de voir, ce qui parfois angoisse, fait peur,
dérange. (« Du plus loin qu'il m'en souvienne, j'ai toujours été effrayé par
les espaces vides qui sont en moi. Et ce sentiment de solitude n'a rien à voir
avec la présence ou l'absence de gens autour de moi. Comprenez-vous ?")
C’est en cela que ce livre m’a paru très intéressant. Mais
il n’y a pas que cela, chaque question, chaque remarque ou réflexion peut nous
amener à réfléchir, à cheminer, à mieux discerner ce que nous sommes, qui nous
sommes (si nous acceptons de nous laisser « entraîner » par ces questions) et
nous permettre de plonger au cœur de nous-mêmes.
Ce livre est dans ce sens une "ouverture" qui peut
nous donner envie d’aller plus loin….
(« Il faut trouver la force de s’aimer soi-même », « trouver
son propre chemin », « votre seul devoir, c’est de devenir qui vous êtes », «
aimer son destin »).
J’ai vraiment beaucoup apprécié cette lecture, je ne mettrai
qu’un bémol:
j’ai trouvé trop « rapide » (même si c’est après une séance
d’hypnose), le « mieux être » du docteur Breuer …. même si on peut penser que
ce n’est que le résultat d’un long cheminement personnel et de tous les
échanges avec Nietzsche et Freud….
A la fin du livre, dans la postface et une note de l'auteur,
Irvin Yalom explique comment il a eu l'idée de ce livre. Il dit également que
des contacts avaient été établis entre ces deux hommes mais ils n’avaient pas
abouti. Il a donc essayé d’imaginer ce qu’aurait pu être leur rencontre et cela
a donné naissance à ce livre.
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