Annabelle (Annabelle)
Auteur : Lina Bengtsdotte
Traduit du suédois par Anna Gibson
Éditions : Marabout (6 Mars 2019)
ISBN : 978-2501122740
320 pages
Quatrième de couverture
La détective Charlie Lager est contrainte par ses supérieurs
de retourner à Gullspång, la petite ville où elle s'était juré de ne jamais
remettre les pieds pour enquêter sur la disparition d'une jeune fille de 17
ans, Annabelle que la police locale n'a pu retrouver. Alors que ses recherches
progressent, Charlie est confrontée à un passé traumatisant, vieux de 20 ans.
Mon avis
Gullspång est une petite ville suédoise avec un peu plus de mille personnes.
Autant dire que tout le monde se connaît et que chacun peut savoir ce que fait
son voisin. Il y a une usine qui emploie une partie des habitants, un établissement
scolaire où vont les jeunes, une rivière avec un débit important et une
ancienne épicerie abandonnée où les adolescents se donnent rendez-vous pour
boire, faire la fête et plus si affinités. La plupart d’entre eux rêvent de
fuir un jour, d’aller à Stockholm pour avoir une vie meilleure, plus gaie, plus
aboutie, plus épanouie… C’est d’ailleurs ce qu’a fait Charlie Lager. Elle est
partie à quatorze ans et n’a jamais eu l’intention de revenir. Elle est
maintenant inspectrice à la brigade criminelle de la capitale et a brillamment
monté les échelons. Elle est très douée dans ses investigations malgré une
tendance à trop boire et une certaine façon de se mettre en retrait de ses
collègues en ne confiant rien sur sa vie personnelle (quelque peu dissolue
actuellement et entachée d’un passé très lourd qu’il vaut mieux oublier). Mais
voilà que ses supérieurs l’envoient avec son collègue Anders à Gullspång où une
jeune fille de dix-sept ans a disparu afin d’épauler les policiers du cru. Dire non et refuser l’enquête l’effleure mais
elle franchit le pas quitte à se retrouver face à des souvenirs difficiles à
gérer.
Arrivés sur place, les deux enquêteurs vont mener leurs
recherches, plus ou moins aidés par l’équipe en place qui n’a pas toujours le contact
facile. Ils vont très vite comprendre qu’Annabelle a disparu au cours d’une
soirée nettement trop arrosée, où certains ont pris de la drogue et ne se
souviennent de rien. En opposition avec ses parents (son père la trouve « spéciale »),
curieuse, intelligente, déterminée mais surprotégée par sa mère, avait-elle
fait quelques confidences à sa meilleure amie ? En effet, elle s’était séparée
de son petit copain mais semblait avoir retrouvé l’amour….
Le roman va se partager entre l’enquête, les relations ardues
que Charlie entretient avec son entourage et sa confrontation avec son passé. En
acceptant de revenir sur les lieux de son enfance, elle ne s’imaginait sans
doute pas combien tout cela allait être douloureux à vivre, faisant remonter à
la surface des événements enfouis et presqu’oubliés (ou alors, elle faisait
comme si). Trois angles d’approche nous sont offerts : ce jour-là (la journée
et la soirée de la disparition d’Annabelle), avant (présentation d’une amitié
pernicieuse entre deux fillettes, dont on se dit que cela nous apportera des éléments
mais lesquels ?) et des chapitres numérotés exposant ce qui se déroule
actuellement. Les trois se complètent admirablement et démontrent, si besoin
est, qu’il a toujours été et qu’il n’est pas facile de vivre dans ce coin perdu….
L’auteur sait assurément de quoi elle parle puisqu’elle a
vécu à Gullspång, un des endroits les plus pauvres du pays. ….et cela donne
encore plus de poids à son récit. On sent le désarroi, le désespoir qui
sourdent entre les lignes, les jeunes ont-ils vraiment un avenir s’ils restent
sur place ? La pharmacie n’est pas ouverte régulièrement alors que des
horaires sont annoncés, le fils du patron de l’usine règne en despote et menace
les autres de chômage lorsqu’il n’obtient pas ce qu’il veut… L’atmosphère est
empreinte de gravité, d’accablement malgré les quelques fêtes organisées par la
jeunesse. L’ancienne amie de Charlie, Suzanne est la preuve qu’il est pratiquement
impossible de s’en sortir à moins d’une volonté de fer. Tous les protagonistes
semblent avoir quelque chose à cacher, une part d’ombre ….
Ce récit est très bien traduit (même si le tutoiement qui
doit être une habitude en Suède m’a parfois dérangée, surtout lorsque les
enquêteurs interrogent des témoins) et tout son intérêt réside, non pas dans l’enquête
elle-même qui n’a rien d’extraordinaire, mais dans les trois approches qui nous
dévoilent par bribes tout un panel intéressant sur Charlie et la vie à Gullspång.
Comme je pense que la jeune femme va devenir une héroïne récurrente, je m’interroge
sur la suite de ses aventures. On sait beaucoup de choses sur elle donc pour le
prochain roman, on ne pourra pas avoir la même construction mais ceci est une
autre histoire….
J’ai également trouvé très agréable que le texte soit parsemé
de poèmes et de chansons (qui plus est référencés à la fin). Tous et toutes s’intègrent
bien au contexte. Un premier roman réussi, très addictif et qui donne envie de
découvrir au plus vite d’autres opus de Lina Bengtsdotter !
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