"Fausse piste" de James Crumley (The Wrong Case)


Fausse piste (The Wrong Case)
Auteur : James Crumley
Traduit de l’américain par Jacques Mailhos
Éditions : Gallmeister (1er Avril 2016)
ISBN : 978-2351781098
398 pages

Quatrième de couverture

Quand on est pauvre avec un héritage bloqué par testament jusqu’à l’âge de cinquante-trois ans et que l’on vient de perdre l’essentiel de son gagne-pain quotidien, on ne crache plus dans la soupe. Milo Milodragovitch, rejeton maudit de ce qui fut une famille importante de Meriwether (Montana), ne peut qu’accepter l’offre d’Helen Duffy. Retrouver un frère innocent, gentil garçon raisonnablement de gauche et passionné d’armes à feu, disparu dans un incendie, n’est pas si compliqué. Surtout si la demande émane d’une femme à ce point démunie qu’elle en devient troublante.

Mon avis

Dès les premiers mots, j’ai été séduite par le ton, l’écriture de James Crumley. Un rien ironique, narquois, jubilatoire, avec un humour décalé où le héros, narrateur sans illusion, se moque de lui-même et de ses travers, son style est sans concession comme Milo, le personnage principal. Autrefois, policier, réorienté en détective privé, il a connu une période faste quand il fallait des preuves pour divorcer (on est en 1975, en Amérique) et que ses photos pouvaient déclencher la séparation. Maintenant, tout peut se faire à l’amiable, avec un consentement mutuel et son boulot a nettement diminué. Comme il doit attendre cinquante-trois ans pour toucher son héritage, il vivote accompagné par l’alcool en abondance et des potes de beuverie. On pourrait le croire peu intéressant ce Milo, détaché de tout, pas très propre sur lui qui ne court pas après les occupations professionnelles. Et pourtant, l’auteur nous le rend attachant.

Un jour, la belle, sulfureuse, pas nette (je ne l’ai pas « sentie » cette femme dès le début), énervante, Helen débarque dans son bureau. De mouchoirs en pleurnicheries et soupirs, elle explique être inquiète, et même plus, pour son jeune frère, un étudiant bien sous tous rapports, qui n’a pas donné signe de vie depuis plusieurs semaines… De là à envisager le pire…. Milo ne sait pas trop s’il va donner suite à cette requête ou pas. C’est compliqué pour lui de se lancer sur la piste de ce frère disparu. Et puis, finalement, il y va, il fonce même, parfois sans réfléchir, sans recul, impétueux, fougueux, ignorant la loi, ne se fiant qu’à son instinct. Les surprises se succèdent, bonnes rarement, mauvaise le plus souvent mais il continue, tenace, à avancer. Il prend des claques, au sens propre et figuré (notamment dans les dernières pages) mais cela ne le déstabilise pas, il garde cette espèce de bonhomie, de distance, comme si tout ce qui arrive était lié à une espèce de fatalité.

La galerie de personnages que nous offre James Crumley est un régal. Ils ont tous un petit quelque chose qui les démarque de l’individu lambda. Certains vont nous exaspérer, on prendrait presque en pitié quelques autres….Ils sont décrits, dans leur cadre, en lien avec le contexte, tout ceci avec beaucoup de finesse, de précision, les rendant très réels. Mais à lui tout seul, Milo est le centre de cette intrigue, on veut le décrypter, le cerner, comprendre ses réactions.

J’ai énormément apprécié cette lecture. Elle est sombre mais les traits d’esprit permettent de décompresser. Une forme de poésie se dégage entre les lignes, railleuse mais vivace, teintée de philosophie, de celle qui fait que l’on aime la vie, comme Milo, quel que soit ce qu’elle nous offre …





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