"Deux femmes" de Martina Cole (Two Women)


Deux femmes (Two Women)
Auteur : Martina Cole
Traduit de l’anglais par Catherine Cheval et Marie Ploux
Éditions : Fayard (2 mai 2007)
ISBN : 978-9782213631
650 pages

Quatrième de couverture

Dans l'East End, banlieue déprimée du sud-est de Londres, le danger et la violence sont des ingrédients de base. Susan y joue des seules armes dont elle dispose : l'humour et l'amour infini qu'elle porte à Barry, son mari, le caïd à la gueule d'ange. Mais Barry ne sait pas l'aimer, et la frappe à la moindre contrariété. Un soir, dans un acte désespéré, Susan lui fait éclater le crâne à coups de marteau. Sa seule certitude, c'est d'avoir protégé ses quatre enfants d'un monstre. Eux, au moins, lui auront échappé. On la transfère dans la cellule de Matilda Enderby, meurtrière elle aussi. Les destins de ces deux femmes vont se nouer à jamais. Personne, Sue mise à part, n'aurait pu prédire quelles conséquences aurait leur rencontre...

Mon avis

« Deux femmes » … un titre et une quatrième de couverture un peu trompeurs …

De femmes, il en sera question dans ce roman, de deux femmes, oui, mais deux par deux …

La fille, la mère.
La bru, la belle-mère.
La femme, la maîtresse.
Les deux sœurs.
Les deux « coturnes ».
L’avocate, la détenue.
Les deux amies.

Des hommes aussi : pour la plupart, violents, violeurs, voleurs, machos, grossiers, vulgaires, petits ou gros caïds …

Un lieu : L’East d’Eden, banlieue londonienne de très mauvaise réputation où la violence, la drogue, l’alcool, les « magouilles », les excès, le sexe sans plaisir ….. sont monnaie courante. 

Un roman qui se décline en trois parties, entourées d’un prologue et d’un épilogue le tout se déroulant entre 1960 et 1985.

Susan enfant, « intellectuelle frustrée » d’après son institutrice à qui elle dit «Vous, au moins, vous avez choisi d’être là. Nous, on n’a pas eu le choix. Moi, ça me plairait de vivre comme les filles qu’y a dans Bunty. »
Susan qui s’évade dans les livres mais qui, de ce fait, se trouve en marge de « son »milieu (« la lecture lui avait ouvert des horizons qu’elle mourait d’envie d’explorer. »)
Susan dont la mère, June, ne « s’épanouit que dans les conflits, les tensions et les soucis. Elle n’avait connu que ça depuis l’enfance, et c’était devenu une seconde nature. Elle n’avait l’impression d’être vivante que déchirée. Là, elle se sentait exister. »

Susan femme. « Rien n’avait changé d’un iota. Sauf le nom de la personne qui la contrôlait, elle, ses actes, ses pensées, ses paroles. »
Susan qui traîne le poids de son passé : « Ils sont immergés dans les bas-fonds de la condition humaine dès leur premier cri. », qui a conscience de sa condition mais qui se laisse faire par amour pour ses enfants, parce qu’elle ne sait pas comment réagir, relever la tête …
Susan qui accepte, se soumet …
Susan qui n’a pas appris le sens du verbe aimer …
Susan qui découvre l’amitié : « Susan est quelqu’un de formidable. La rencontrer, c’est le plus beau cadeau que la vie m’ait fait. Pour la première fois, j’ai une amie à qui je peux faire confiance, à qui je peux parler et avec qui je peux être moins même sans avoir honte de ce que je fais pour vivre, sans craindre d’être jugée, sans avoir à mentir sur ma vie pour la rendre plus respectable ou plus honorable. »

Susan en prison. « Si seulement elle pouvait comprendre qu’il était possible de l’aider, de rouvrir le procès, d’obtenir sa libération. A croire qu’elle se réjouissait d’être en prison, qu’elle se délectait de sa punition. »
C’est cette Susan que j’ai préférée, c’est là que je l’ai vu telle qu’elle était : mère jusqu’au bout des ongles, mère dans chacune de ses fibres, mère tigresse, mère lionne, mère avant tout, mère prête à donner sa vie pour ses enfants.
Qu’il a été long son cheminement avant d’accepter l’aide, de croire en l’autre et en son honnêteté, qu’il a été douloureux ….

Tout au long du roman, je me suis attachée aux pas de Susan, trop faible pour réagir, proie trop facile pour les hommes, qui se laisse humilier pour protéger sa sœur, ses enfants …
Oui, j’avais envie de lui dire « Pars, ne reste pas là, agis, les hommes sont ainsi avec toi parce que tu laisses faire, tu peux être aidée … »

Combien de femmes, encore maintenant, sont dans ce cas-là ? Partagées entre la soumission et la révolte ? Croyant « leur homme » chaque fois qu’il promet de s’améliorer, chaque fois qu’il jure que c’est « la dernière fois » ? Restant par amour ?

Comment faire pour changer le cours du destin ?
Qui sommes nous pour juger ?

J’ai lu ce livre avec ma sensibilité de femme, de mère, d’amie …
Les événements que j’y découvrais n’étaient pas sans me rappeler que la vie n’est pas facile pour tout le monde, que ce n’est pas un long fleuve tranquille …. Tous les jours, les médias, les journaux nous rapportent des faits semblables qui existent dans la « vraie vie ». On les prend en pleine « figure » et on se demande « pourquoi ? »

Alors, qu’en est-il ? Ces hommes violents agissent-ils comme des aimants ?
Quand ils sont « calmes », ils savent « acheter » l’amour de leur compagne, ils sont beaux, aimants, attentionnés, elles « oublient » alors les blessures morales, physiques, croyant leurs promesses …. et puis …. ça recommence ….
Pourquoi les femmes restent-elles avec eux au risque de se détruire ?
Parce qu'elles n'ont rien connu d'autre? Parce qu'elles reproduisent ce qu'elles ont vu chez leurs parents? Parce qu’elles ne peuvent pas faire autrement, sans être capables d'expliquer pourquoi ?....

Ce roman est construit d’une telle façon qu’on reçoit les événements qu’il évoque avec autant de puissance qu’il y a dans l’enchaînement des actions. C’est presque éprouvant.
L’écriture est adaptée au contexte, crue, violente, vulgaire parfois.
Le vocabulaire, en lien avec le milieu, est utilisé par les protagonistes avec facilité et sans complexe parce qu’ils n’ont connu que ça …. , que ça fait partie de leur vie …
C’est là que Susan montre qu’elle veut s’en sortir, refusant que ses enfants parlent de cette façon, refusant que les aléas de la vie prennent le dessus sur l’éducation qu’elle veut transmettre.
Ce langage était là mais l’évolution des personnages était telle que je ne pouvais pas lâcher ce livre ayant le souhait (même si j’avais lu la fin), de savoir ce qui allait se dérouler …

Certains reprocheront peut-être une fin « trop facile », mais peu importe … le message est passé :Ne vivons pas notre vie par procuration, avançons, demain est un autre jour, prenons notre vie en mains …
« La vie, c’est un don de Dieu. Mais ce qu’on en fait, ça dépend entièrement de nous. Et on n’a qu’une fois le droit d’y jouer. »

Pour moi ce roman n’est pas un thriller, je le mettrai dans la catégorie chronique sociale sur plusieurs générations.

En conclusion, une lecture que je ne regrette pas et où je n’ai pas vu le temps passer malgré le nombre de pages.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire