"Les larmes d'Icare" de John C. Patrick


Les larmes d’Icare
Auteur : John C. Patrick
Éditions : Kyklos (24 Avril 2020)
ISBN : 978-2-918406-43-3
448 pages

Quatrième de couverture

1er octobre 1968, le cadavre d’un homme d’origine yougoslave est découvert dans la décharge publique d’une commune des Yvelines. La France vient de connaître la révolte. En cette étouffante fin de règne, une invraisemblable machination destinée à empêcher Georges Pompidou d’accéder à la présidence de la République se met en place. Les principaux acteurs, agents secrets dévoyés, gaullistes orthodoxes haineux, figures du show-business, malfrats du grand banditisme, tueurs sans états d’âme, s’affrontent au sein d’un univers obscène où tous les coups sont permis.

Mon avis

Lire John C. Patrick n’est pas anodin, il faut accepter de prendre du temps pour une lecture qui est exigeante, complexe, enrichissante et qui pousse chaque lecteur à aller plus loin, à approfondir ce qui est présenté. Cet écrivain mêle avec brio personnages fictifs et réels, événements imaginaires ou ayant existé. A ses côtés, on revisite l’histoire, on a une autre interprétation de faits passés et on se questionne vraiment. Et si certaines choses étaient vraies ? Pas seulement des rumeurs, des « on dit » ? Qui aurait eu intérêt à passer tout cela sous silence ? Lorsque je le lis, je suis encore plus intimement persuadée qu’à nous pauvres citoyens lambdas, les politiques, les médias, ne disent que ce qu’ils souhaitent dévoiler. Le reste ? Soit on nous ne le cache, soit on nous en donne une version édulcorée, soit c’est évoqué brièvement, si vite et de façon tellement superficiel que le lendemain, on l’a oublié sauf si on décide de creuser plus loin que la surface….

Creuser ? C’est ce que fait l’auteur, il nous entraîne entre 1967 et 1969, lorsque, notamment, en 1968, les étudiants s’agitent, s’organisent en groupes, emmenés par, entre autres éléments perturbateurs, Daniel Cohn-Bendit. La tension est sous-jacente, certains la minimisent, d’autres surveillent ou s’inquiètent. En parallèle, le Général de Gaulle, au pouvoir, est fragilisé par cette révolution qui couve. Le couple de Georges Pompidou, son premier ministre, qui vise sans doute la présidence, est secoué par des rumeurs assassines… Rien n’est aisé ni pour les uns ni pour les autres. Et que dire des hommes de l’ombre, parfois en lien avec la CIA (Central Intelligence Agency, agence de renseignements des Etats-Unis) qui veulent mettre leur nez dans tout cela, en influençant, au besoin, les hommes politiques français pour faire basculer ou pas ceux qui sont en place, voire éliminer ceux qui dérangent ?

C’est une gigantesque partie d’échecs qui se déroule sous nos yeux, entre Est et Ouest. Afrique, Europe, Amérique, tous sont concernés. Comme sur l’échiquier, les pions sont nombreux (et il faut rester attentif pour ne pas se perdre entre les différents protagonistes, lieux, réseaux….). Tous les coups sont permis pour arriver à échec et mat. Il peut y avoir du bluff, du mensonge, des coups doubles, des tactiques avec ou sans résultat à plus ou moins longue échéance. Mais tout est parfaitement orchestré, réfléchi. On ne peut pas dire que c’est manichéen, tous les acteurs peuvent avoir quelque chose à se reprocher, par exemple les méthodes peu orthodoxes pour pister, ou faire parler, voire évincer ceux dont ils pensent qu’ils n’ont rien à faire dans leur paysage ou leur accointance avec des individus pas nets, bordeline.

L’écriture est très visuelle, il n’y a pas de fioriture inutile, on vit les scènes, on les voit se dérouler sous nos yeux. Les dialogues donnent du rythme, évitent une trop grande lassitude face à ce contenu très riche. Le style est prenant, surtout une fois les cent premières pages tournées, on est alors en immersion. On voyage, on s’accroche, on ne lâche ni les uns ni les autres. Pour ma part, ce sont Reuben et Sombart qui ont ma préférence. J’aime leur caractère combatif, leur ironie face à la difficulté, leur volonté de réussir les missions qui leur sont confiées.

Roman d’espionnage, historique, sociétal, policier ? Un peu tout ça et c’est ce qui est intéressant, car il y a de multiples aspects. 
Roman d’hommes, ça c’est sûr, car les femmes ne sont guère présentes.

Je suis fascinée par la propension qu’à John C. Patrick à agencer avec doigté, intelligence, son récit et les propos de ceux qu’il fait exister. Je pense que chaque livre représente une somme d’heures de travail que je n’imagine même pas.

Ce recueil est le troisième d’une série de quatre. Je vais attendre le dernier avec impatience.

NB : Je suis certaine qu’adapté en séries, ce serait captivant.

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