"Bluebird, bluebird" d'Attica Locke (Bluebird, bluebird)

 

Bluebird, bluebird (Bluebird, bluebird)
Auteur : Attica Locke
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Anne Rabinovitch
Éditions : Liana Levi (14 Janvier 2021)
ISBN : 9791034902668
320 pages

Quatrième de couverture

Au bord du bayou Attoyac, le corps d’un homme noir, venu de Chicago, est retrouvé. Et pourquoi deux jours plus tard, au bord du même bayou, et juste derrière le café de Geneva Sweet, le cadavre d’une fille blanche est-il découvert ? Dans ce Texas où Noirs et Blancs ne fréquentent pas les mêmes bars et où les suprémacistes blancs font recette, le Ranger noir Darren Mathews n’est pas particulièrement le bienvenu. Surtout quand il décide d’interférer dans l’enquête du shérif local.

Mon avis

Darren Mathews est Texas Ranger, un métier qu’il a choisi bien que sa famille lui ait conseillé le droit, probablement parce que lorsqu’on a la peau noire, il est difficile de travailler dans les forces de police dans certains coins du monde. Sa femme voudrait qu’il change de profession mais il porte le badge avec fierté. Rien n’est simple pour lui. Il vient d’être suspendu de ses fonctions et est en attente d’un procès. En outre, les relations sont tendues dans le comté du Texas où il se trouve. Noirs et blancs peinent à cohabiter et ne partagent pas les mêmes lieux.

Un ami du FBI demande de l’aide à Darren. En quelques jours, deux personnes ont été retrouvées mortes dans le bayou : un avocat noir et une jeune fille blanche. Que s’est-il passé ? Meurtres, suicides, les deux événements sont-ils liés ?

« Curieux, pense Darren. D'habitude, les histoires du Sud se déroulaient de la manière inverse : une femme blanche était tuée ou blessée, d'une façon réelle ou imaginée, puis telle la lune après le soleil, un homme noir était retrouvé mort."

Le Texas Ranger va essayer de comprendre en menant une enquête qui l’emportera bien plus loin qu’il l’avait imaginé. C’est dans un environnement très particulier qu’il doit mener ses investigations. Il y a le Geneva Sweet, un restaurant bar à l’ambiance familiale où les gens de couleur ont leur place. C’est là, juste derrière le bâtiment que la victime a été trouvée. A cinq cent mètres, c’est le Jeff's Juice House (où se retrouvent les membres de la FAT : Fraternité Aryenne du Texas) qui appartient à Wallace Jefferson III, tout comme le reste de la ville. Inutile de dire que les clients des deux lieux sont bien ciblés et ne se risquent pas sur l’autre territoire.

Une bourgade pas très grande mais des tensions en surnombre, des non-dits, des secrets. L’ombre du Ku Klux Klan, de la FAT, une violence dans les mots, dans les gestes, du mépris, un racisme profond, ancré, faisant partie de l’ADN de certaines personnes. Darren va rencontrer des obstacles, il doit composer avec les bâtons qu’on met en travers de son chemin. Mais par-dessus tout, il faut qu’il mette ses émotions à distance, qu’il reste objectif, que la divine bouteille ne lui embrume pas l’esprit ni ne fausse ce qu’il croit voir ou ressentir…. C’est un homme qui s’interroge sur lui, sur sa vie, qui a des faiblesses et qui fait tout pour rester droit dans ses bottes, fidèle à ce qu’il pense être juste.

Cette lecture a été une superbe découverte pour moi. L’auteur a su éviter tous les pièges des clichés de la ségrégation. Elle installe des histoires personnelles dans son récit, permettant au lecteur de s’approprier la vie des personnages et de cerner les caractères, l’influence du vécu. J’ai apprécié que Darren ne se laisse pas abattre, qu’il aille au fond des choses sans se laisser influencer, ce qui n’est pas aisé car la pression est importante. De plus, il ne s’arrête pas à l’apparence, il va toujours plus loin. Les lieux et les relations entre communautés et en interne ont un rôle important dans ce roman, ce sont eux qui insufflent une atmosphère teintée de désespérance. En toile de fond, la musique, le blues qui colle au cœur et à la peau comme les marais du bayou.  

Écrit en 2016, ce recueil interroge encore cette Amérique et tous les progrès qu’il lui reste à faire…
« Darren avait toujours voulu se persuader que leur génération serait la dernière à être obligée de vivre ainsi, que le changement viendrait peut-être de la Maison Blanche. » Il y a encore du chemin….


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