L’Odyssée du marsouin (The Porpoise)
Auteur : Mark Haddon
Traduit de l’anglais par Odile Demange
Éditions : Nil (21 janvier 2021)
ISBN : 978-2378910457
402 pages
Quatrième de couverture
Il était une fois, dans l'Angleterre du XXIe siècle, un
homme qui, rendu fou de douleur par la mort de son épouse, tomba éperdument
amoureux de leur fille. Il était une fois une jeune fille qui rêvait du prince
charmant qui viendrait l'arracher à l'emprise délétère de son père.
Mon avis
Ce roman commence de façon assez classique. Un accident d’avion,
une femme meurt. Les secouristes ont juste le temps de procéder à une
césarienne et de sauver Angelica, la petite fille qu’elle portait. Son mari,
fou de douleur, va reporter son amour, son attention sur le bébé, puis l’enfant,
l’adolescente qu’il a avec lui. Mais il l’aime mal et tombe rapidement dans des
extrêmes. Comme il est très riche, le personnel de maison qui reçoit de belles
sommes, ne « voit » rien. Rapidement, il utilise l’école à domicile, et
coupe son enfant de l’extérieur (pas de télévision, pas d’internet, pas de
visite…). Angelica s’évade dans des lectures, des contes qui agissent sur elle
en la reposant, en l’isolant lorsque l’inacceptable se produit. De toute façon,
elle ne connaît rien d’autre que ce quotidien et même si elle sent que ce n’est
pas la normalité, elle le subit en silence. Elle est « sous cloche »
et fait preuve de candeur.
Une visite impromptue, qui dérange beaucoup le paternel,
ouvre des perspectives à la jeune femme (Pourquoi ne pas fuir et échapper à son
père ?) mais rien ne se passe comme prévu. A partir de là, le récit
bascule dans plusieurs dimensions, espaces temps, revisitant la pièce de
théâtre : Périclès, prince de Tyr (de Shakespeare), inspirée du poème :
Histoire d'Apollonius de Tyr. Pourquoi ? parce qu’un parallèle peut être
fait entre les deux écrits. Des femmes qui souffrent, qui essaient d’échapper à
l’emprise des hommes, qui ne veulent plus de la carapace à l’intérieur de
laquelle elles passent leur vie. Et les éléments, l’eau, le vent, le feu, les
tempêtes qui font bifurquer ce qu’on croyait établi.
On aime ou on n’aime pas ce mélange de style, cette écriture
qui mêle parfois d’un paragraphe à l’autre le présent et le passé. Je pense qu’il
faut se laisser porter par les mots, car l’auteur excelle à les manier, les faire
vivre, les emmener plus loin pour qu’ils donnent le maximum. Il y a également
quelques illustrations en tête des différentes parties, une magnifique couverture,
sans doute pour mettre l’art dans toutes ses dimensions au service de cette
histoire.
Mark Haddon a fait de nombreuses recherches documentaires
pour adapter son texte à ce qu’il souhaitait partager. Les sources ont été multiples
et variées, même si ensuite, son inspiration a joué pour laisser parler l’imaginaire.
Je pense que certains lecteurs auraient préféré n’avoir que l’époque
d’Angelica à suivre. Il me semble, au contraire, mais cela ne reste que mon
avis, que le contenu serait vite devenu classique (une énième histoire de
relations humaines mal gérées) alors qu’avec les deux intervalles-temps,
habilement enchevêtrés, l’auteur nous offre un autre regard temporel. Il le
fait de façon adroite, subtile, transformant une observation qui devient autre
sous les yeux surpris d’un protagoniste et permettant alors au lecteur de
basculer ailleurs.
L’écriture de Mark Haddon a beaucoup de charme (merci à la
traductrice). Ses phrases sont souvent courtes, donnant du rythme. Il
décortique et analyse finement ce qu’il évoque. Il y a de la fantaisie, un brin
de folie, et cela repousse la chappe de plomb provoquée par l’attitude néfaste
du père, permettant ainsi de ne penser qu’à ses femmes qui luttent pour un mieux,
avec leurs armes, en se trompant quelques fois mais en osant…
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