Un flic bien trop honnête
Auteur : Franz Bartelt
Éditions : Seuil (6 Mai 2021)
ISBN : 9782021479348
208 pages
Quatrième de couverture
Dans une petite ville de province, un assassin prolifique
terrorise les arrêts de bus et les passages piétons : plus de quarante cadavres
sont à déplorer. Quatre ans que l’inspecteur Gamelle, dépressif et fraîchement
largué, ainsi que le bourrin, son adjoint cul-de-jatte, pataugent dans la
semoule. Quatre ans que les astres refusent de s’aligner pour leur donner une
piste. Sacré Saturne ! Bien loin de laisser tomber l’affaire, Gamelle sera
amené à se poser les mauvaises questions, à se méfier des bonnes personnes et à
suivre les idées saugrenues d'un aveugle particulièrement intrusif…
Mon avis
Des crimes littéraires….
Raymond Queneau n’aurait pas renié Franz Bartelt. Dès le
premier chapitre, qui aurait pu être le centième exercice de style* du livre de
Queneau, on plonge dans le régal des mots bien nommés, bien placés, bien
ciblés, qui glissent sous les yeux, sous la langue (lorsqu’on les prononce à
haute voix), apportant le sourire, dégourdissant les zygomatiques, faisant
oublier la morosité.
L’inspecteur Wilfried Gamelle (gare au jeu de mots de ses
coéquipiers lorsqu’il en ramasse) traque un tueur depuis quatre ans. Quarante-deux
assassinats, tous sur le même mode opératoire, une lame bien placée et hop plus
personne. Des victimes sans lien apparent, ni le sexe, ni l’âge, ni la
condition sociale ne permettent d’établir un semblant de rapprochement. Comment
le serial killer choisit-il ceux qu’il fait disparaître ? Gamelle est aidé
par un collège cul-de-jatte qui se déplace en chaise à porteurs et il a un
supérieur, le commissaire Valentin qui attend et espère des résultats … mais
pour l’instant, c’est en vain !
Wilfried est un peu dépressif, son enquête n’avance pas, sa
femme l’a laissé (elle le trouvait trop lisse, sans allant, il ne boit pas et
elle aime la divine bouteille, il ne fume pas, était-il un peu fade à ses
yeux ?…), sa vie est bien terne, il se sent agacé de tout ça. C’est sans
doute pour cette raison que lors d’un trajet en bus, où il essaie de comprendre
le modus operandi du criminel (qui a l’air de suivre les arrêts du car), il
s’énerve contre quelqu’un qui le bouscule. Pourtant, il n’est pas violent mais
mal dans sa peau, physiquement, moralement et professionnellement, il s’est
laissé déborder par ses émotions et le coup de poing est parti dans le ventre
du quidam. Stupéfaction, il s’agit d’un aveugle qui n’a donc pas fait exprès de
le pousser et dont il a cassé les lunettes hors de prix. Il va partir à la
recherche de cet homme pour le dédommager de la casse et lui présenter ses
excuses. Il ne se doute pas à ce moment-là que cette rencontre va, pour
plusieurs raisons, modifier son quotidien. Tout le monde sait que les
non-voyants voient et sentent des choses qui échappent au commun des mortels.
De là, à se faire aider…. Il faut que l’inspecteur avance dans ses
investigations et qu’il ait des réponses. Nous suivons son cheminement mais
comme lui, nous n’arrivons pas à cerner le criminel.
J’ai lu ce roman d’une traite, un jour de pluie, je le
précise car il m’a apporté de la couleur, de la fantaisie, de l’humour de bon
goût. Le texte en lui-même est désopilant, empli de comiques de situation
racontés avec un phrasé inénarrable, rien qu’en l’évoquant, j’ai encore le
sourire aux lèvres. Les humoristes ne me contrediront pas, c’est parfois
difficile de faire rire. Il faut le dosage subtil, qui n’est pas de la moquerie
lourde, et qui n’épuise pas sans arrêt les mêmes ressorts car ça devient
lassant.
J’ai tout aimé dans de récit, le fait que l’auteur
« joue » avec les mots dans un style qui est réjouissant, les
événements et leur enchaînement bien orchestré, les personnages atypiques mais
attachants pour la plupart par leur côté décalé, l’univers imprévu de cette
petite ville de province que décrit l’auteur, les relations entre les individus
qui se construisent, se tissent de façon parfois surprenante, et l’ensemble qui
donne un opus totalement abouti, équilibré, follement décalé, amusant et qui
fait du bien !
* Exercices de style de Raymond Queneau, paru en 1947, ce
livre singulier raconte 99 fois la même histoire, de 99 façons différentes.
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