Langue morte
Auteur : Hector Mathis
Éditions : Buchet Chastel (6 janvier 2022)
ISBN : 978-2283034729
256 pages
Quatrième de couverture
Face à l’immeuble de son enfance, un homme se souvient. Sa
famille, ses amours, la banlieue et les voyages. Cette évocation poétique du
passé le conduira jusqu’au petit matin : à l’aube d’une époque nouvelle.
Mon avis
« Le numéro quatre s’allume […] Il se remplit des
souvenirs des autres. »
L’homme est là face à l’immeuble de son enfance, les
souvenirs remontent, l’envahissent, lui font chaud au cœur, froid dans le dos,
c’est selon…. Ils sont là, vibrants, vivants, présents comme autant de passages
émotionnels vers l’âge adulte qu’il partage avec nous.
Les chapitres, non numérotés, s’enchaînent, ce sont des
« photographies » de chaque « espace-temps » présenté avec
finesse. Le cheminement de l’enfance vers la maturité est évoqué avec sobriété,
humour, parfois un brin de gouaille comme si le gamin resurgissait pour parler
lui-même de ce qu’il a vécu. Il y a l’école, les maladies, les copains, les
premières pratiques, les escapades, le rôle du frère. Hector Mathis est né en
1993, ce n’est donc pas ce qu’il a vécu qu’il présente. Pourtant, son récit est
très réaliste. On plonge dedans comme si on regardait un film en noir et blanc
qui finirait en couleur car le progrès est arrivé et tout se colore au fil des
années.
Avec ce livre, on voyage sur toute une vie et dans plusieurs
régions et pays en fonction de ce que raconte le narrateur. C’est avec une
acuité toute particulière que sont tissés, sous nos yeux les lieux et les
événements. Chaque terme choisi est précis, porteur des sens. La famille, les
amis, tous sont campés avec suffisamment de détails pour les rendre palpables. Ce
sont les expériences plus ou moins bonnes qui font grandir, qui rendent plus mur,
plus « homme ». Parfois le présent revient en trombe. « Je
voudrais revenir à moi. Quitter ce béton idiot. ». Mais le numéro
quatre est toujours là et avec lui son lot de réminiscences. Il s’éloigne, mais,
quelques mètres plus loin, c’est un autre fait qui lui saute aux yeux, au
cerveau, qui l’habite et il faut qu’il le couche sur le papier.
Est-ce que celui qui rédige se vide de ses maux, de ses
mots ? Parce qu’écrire serait pour lui la seule façon d’avancer, d’aller
vers l’avenir en laissant le passé derrière lui, non pas en « réglant ses
comptes » mais en couchant sur le papier ce qu’il a besoin d’évacuer, qui
pèse, qu’il traîne et qu’il juge nécessaire de poser pour continuer la route. D’ailleurs
le rythme imposé par le phrasé morcelé donne l’impression d’une écriture dans
l’urgence pour se libérer.
J’ai aimé que chaque chapitre nous montre le bruissement des
ressentis du narrateur, ses émois, ses peurs, ses envies, ses désirs, ses choix
… Il n’est pas nostalgique, il ne regrette pas grand-chose, il analyse avec
doigté ce qui l’a amené à être lui ici et maintenant. La place des sentiments
est importante, on sent qu’ils ont toujours été forts, aidant l’homme à se
construire.
C’est un recueil comme je les aime où chaque mot est à sa
juste place. L’écriture est cadencée comme une chanson, un poème, les phrases
courtes jouent une mélodie qui chantonne à l’oreille. C’est délicat, posé,
porté par une langue envoûtante qui n’a rien de morte tant elle vous séduit, vous
enchante.
Je ne connaissais pas l’auteur, je suis heureuse de ma
découverte et je vais me pencher sur ses précédentes publications.
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