"Une amitié" de Silvia Avallone (Un'amicizia)

 

Une amitié (Un'amicizia)
Auteur : Silvia Avallone
Traduit de l’italien par Françoise Brun
Éditions : Liana Levi (13 Janvier 2022)
ISBN : 979-10-349-0490-7
530 pages

Quatrième de couverture

En l'an 2000 Élisa est une timide adolescente de quatorze ans, mal dans sa peau. Béatrice, sa camarade de classe, flamboyante et extravertie, est résolue à s'emparer de la vie. Une amitié improbable se noue entre elles, malgré leurs différences et celles de leurs familles.

Mon avis

« Sans elle, je n’étais rien. »

Élisa et Béatrice sont adolescentes en l’an 2000. Elles vont se lier d’amitié alors que tout les oppose. Vingt ans après, que sont-elles devenues ? Ce roman raconte le passage entre jeunesse et vie adulte, avec l’intégration rapide d’internet et des réseaux sociaux, une révolution qui bouleverse tout sur son passage.

2020, Élisa relit ses journaux intimes et les souvenirs, si longtemps étouffés, remontent. Elle écrit avec un besoin impérieux de se libérer, comme si en remplissant des pages et des pages de leur histoire, elle l’expulsait pour faire le point, se débarrasser de toutes les zones d’ombre. Mais est-ce aussi simple que cela ?

2000, à quatorze ans, Élisa aime les livres, vit dans une famille assez particulière, avec une mère fantasque et un père fasciné par l’informatique, les logiciels. Elle a un frère, qui file ce qu’on appelle un mauvais coton. L’argent ne coule pas à flot, Élisa est habillée souvent avec des vêtements mal adaptés, des chaussures trop grandes. En classe, on ne la remarque pas trop et on se moque d’elle parfois. Elle aimerait être écrivain mais elle sait qu’elle doit rester à sa place, ne pas trop se faire remarquer.

Béatrice est une fille apprêtée, qui vit dans une belle maison. Sa maman qui a toujours rêvé d’être miss, ou mannequin, a reporté ses envies sur sa progéniture. Elle prépare, déjà, une carrière pour Béatrice, espérant qu’elle réussira mieux qu’elle, qu’elle s’imposera et fera des envieux. Elle établit des contacts, prévoit les castings, surveille l’alimentation, la tenue pour que tout soit parfait.

En 2003, c’est la naissance des blogs. Elles ont dix-sept ans, le père d’Élisa les initie et elles en créent un pour parler de leur amitié. Mais « l’amitié n’est pas photogénique. » L’une est dans la discrétion, l’autre dans le paraître. Leurs liens peuvent-ils résister à tant de différences ?

C’est avec des allers-retours que l’auteur nous conte ces deux décennies. Les personnages sont fascinants. Élisa n’arrive pas vraiment à exister par elle-même. Elle est figurante dans la vie des autres. Elle a besoin de se voir en Béatrice, comme dans un miroir, pour se sentir vivante. Béatrice, elle se cache derrière le fond de teint, les bijoux, les tenues provocantes, tout ce qui brouille la vision, mettant un voile d’oubli sur ce qu’elle est réellement. S’exhiber pour mieux se cacher ?

Ce récit est captivant, on suit l’évolution des deux amies et de leur amitié de chapitre en chapitre. La place des hommes, du premier amour, le jeu de la provocation pour tester les sentiments…. Il y a de nombreuses réflexions intéressantes, notamment sur la photographie. Que met-on dans un cliché ? Soi-même ou une image ? Que choisit-on de donner à voir et pourquoi ? Qu’est-ce qui motive nos décisions ? Est-ce que les amitiés adolescentes peuvent perdurer ? Combien d’entre nous se sont données à fond, d’une façon entière, faisant rimer amour et toujours avec une amie à la vie à la mort ? Les parents, père ou mère peuvent-ils tenir une place identique dans la vie de leurs enfants ? Comment être celui ou celle qu’on souhaite être, faut-il faire de la place, qui faut-il quitter pour grandir et s’assumer ? Comment être soi sans décevoir sa famille ? Peut-on aimer une autre personne et ne pas savoir gérer l’intensité des sentiments, jusqu’à étouffer et détruire sans que ce soit une relation toxique unilatérale ?

J’ai apprécié que l’auteur cite des livres (l’amie prodigieuse …), des auteurs : Elsa Morante, Agota Kritsof … Silvia Avallone décrit à merveille l’ambivalence des sentiments, l’union de ces deux solitudes qui se cherchent, se perdent, mais ne peuvent vivre loin l’une de l’autre. Son écriture est précise (merci à la traductrice), on plonge dans chaque scène, dans chaque espace de vie (Biella, Bologne, etc …) C’est plein de contrastes, d’opposition, personne n’est blanc ou noir, chacun doit se construire et prendre, si besoin, le chemin de la rédemption.

C’est un recueil captivant. Il donne à réfléchir sur un monde qui, pollué par les réseaux sociaux, n’est parfois qu’apparence.


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