L’oreille de Kiev (Samson i Nadejda)
Auteur : Andreï Kourkov
Traduit du russe par Paul Lequesne
Éditions : Liana Levi (20 Octobre 2022)
ISBN : 979-1034906840
322 pages
Quatrième de couverture
Kiev, 1919: c’est la cacophonie révolutionnaire. Des armes à
foison, de l’ordre nulle part, des bandits et des voleurs cent fois plus
nombreux. La ville est tombée aux mains des bolcheviks en février et le nouveau
pouvoir s’y met en place tant bien que mal alors que la guerre civile fait rage
dans la région, en proie à des combats opposant blancs et rouges, anarchistes
et nationalistes... Samson, jeune étudiant, se retrouve du jour au lendemain à
devoir se débrouiller seul, après avoir perdu son père et son oreille droite
sous le sabre d’un cosaque. Dès lors tout se précipite.
Mon avis
Andreï Kourkov est un auteur ukrainien, né en Russie. Ses
romans ne sont plus publiés en Russie depuis 2008 parce que ses articles sur la
politique dérangent…
Son dernier livre « L’oreille de Kiev » dont le
titre, en russe, signifie « L’espoir » est le premier d’une trilogie
sur les événements de 1919 à Kiev, pendant la guerre civile après la révolution
d’octobre 1917. Une lectrice lui a offert des boîtes contenant des archives de
la Tchéka, la police politique des bolcheviques. C’est ce qui l’a inspiré. Mais
depuis les récents évènements (2022) il n’arrive plus à écrire …
Nous sommes à Kiev, en 1919, la guerre civile n’est pas
finie. Les bolchéviques ont pris le pouvoir mais il y a encore des combats. Samson
Koletchko est étudiant, il vit avec son père. Sa mère et sa sœur sont décédées.
Un jour, alors qu’ils sont tous les deux dans la rue, son paternel est
assassiné. Lui se retrouve avec une oreille tranchée. Sa vie est alors
bouleversée. Il ne sait pas vivre seul, il n’a pas de revenus, il est maladroit
dans ses relations aux autres, pas toujours à l’aise. Des soldats
réquisitionnent son appartement, la concierge entreprend de lui donner des
conseils, de le caser…. Il ignore comment se comporter face à toutes ces
personnes qui se mettent à « régenter » son quotidien. Il réalise,
grâce à un subterfuge que je ne dévoilerai pas, que les militaires installés
chez lui, ne sont pas fiables. Il enquête discrètement car il n’a pas envie de
se faire avoir. De fil en aiguille il va se retrouver à travailler pour la
milice.
À travers un récit plein de dérision et d’humour, l’auteur
parle de sujets graves comme le fait que certaines personnes soient
pratiquement obligées de collaborer qu’elles le veuillent ou non, pour ne pas
se mettre en danger. Samson essaie de surnager dans cette ville où personne
n’est vraiment ce qu’on imagine. Les camps « voleurs » et «
volés » ne sont pas clairs, le rôle de chacun non plus. Jusqu’où vont les
hommes et les femmes pour sauver leur peau, avoir de quoi manger ou se
chauffer ? Peut-on les blâmer ? Et Samson, comment peut-il démêler le
vrai du faux, à qui peut-il faire confiance ?
Si Samson peut sembler un peu attentiste et mou au début, il
se révèle beaucoup plus futé que ce qu’il laisse paraître. Il utilise à bon
escient son arme secrète (et cette originalité est tout simplement jubilatoire)
pour cerner les personnalités de ceux qu’il côtoie. Son évolution est
réellement intéressante et judicieusement amenée. Un autre aspect du récit
mérite le détour, c’est la façon dont chacun appréhende les situations suivant
ce qu’il pense des gouvernants, de la police etc. Les différents protagonistes
sont vraiment étoffés avec des caractères bien définis pour la plupart.
L’écriture d’Andreï Kourkov est un régal (merci au
traducteur). J’ai eu beaucoup de plaisir à cette lecture. Les descriptions sont
fines, les dialogues savoureux, on ressent à la perfection l’atmosphère de
suspicion omniprésente et la peur de la trahison à chaque instant.
Ce premier opus est captivant, construite avec intelligence et doigté. J’ai été « dedans » du début à la fin et j’ai hâte de découvrir la suite.
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