"Le photographe" de Didier Lefèvre, Emmanuel Guibert et Frédéric Lemercier

 

Le photographe (L’intégrale)
Auteurs : Didier Lefèvre, Emmanuel Guibert, Frédéric Lemercier
Éditions : Dupuis (4 Novembre 2010)
ISBN : 9782800147956
pages

Quatrième de couverture

En 1986, le photographe Didier Lefèvre rejoint une mission de Médecins sans frontières en Afghanistan, alors en guerre contre l'Union soviétique, pour acheminer une aide médicale à travers les montagnes. C'est ce long périple, jalonné de rencontres et de dangers, que nous racontent Didier Lefèvre et Emmanuel Guibert, sur la trame du reportage photographique réalisé sur place par Didier Lefèvre. À la croisée du dessin et du photoreportage, un récit poignant et profondément humain, habité de figures exceptionnelles.

Mon avis

Cette bande dessinée reportage est tout à fait exceptionnelle.

En 1986, Didier Lefèvre (1957-2007) est parti pour trois mois en immersion, comme photographe, en Afghanistan (envahi depuis 1979 par les russes et en guerre contre eux) avec Médecins Sans Frontières. MSF se rendait sur place afin de former le personnel local. Mais pour y arriver il fallait marcher trente-cinq jours (si tout allait bien), entourés d’ennemis, sur plusieurs centaines de kilomètres, en montagne avec des cols dangereux à franchir.

Le but pour Didier? Rapporter des photos et témoigner. Six clichés (sur près de quatre mille) paraîtront dans Libération en décembre 1986, une reconnaissance pour lui. C’est tout. Le reste, le vécu sur place, il en parle à quelques proches dont son copain Emmanuel Guibert (il est illustrateur). C’est lui qui, treize ans après, suggère « et si on faisait un livre ? ». Didier ressort les cartons de photos, son mini dictionnaire, et se replonge dans cette aventure unique. Frédéric Lemercier complètera le trio en s’occupant de la mise en page et des couleurs. Présenté comme un reportage linéaire qui reprend la durée du séjour sur place, les planches alterneront dessins et photos.

Le lecteur en prend plein les yeux et plein le cœur. On suit une équipe qui n’a qu’un seul but : soigner. Les conditions sont plus que dures, déjà pour arriver sur place, il faut traverser des terrains hostiles, subir une météo peu agréable, se cacher, passer les frontières en espérant ne pas être pris. Puis une fois là-bas, faire de la médecine dans des conditions précaires, voire pire. Le tout en gardant « la foi » en son métier. Les déplacements se font sans véhicule accompagnés par des ânes ou des chevaux (choisis soigneusement) et quelques personnes du coin (attention à ceux qui profitent de la situation). Comme il n’y a pas de locaux, tout se fait dehors ou dans une pièce ouverte à tous les vents car il n’y a que trois murs. Ce qu’on découvre est poignant, révoltant et ceux qui agissent pour améliorer la situation sanitaire sont admirables. Ils ne se plaignent pas, arrivent à faire de l’humour, par exemple, avec un rocher qui ressemble à un rocher Suchard. Ils sont solides mentalement et physiquement. Ils mettent leur vie entre parenthèses pour se consacrer aux autres.

 Il y a également le quotidien des autochtones, comment ils s’y prennent pour acheter ou marchander (en cachant leurs mains sous un tissu). Il faut entrer en communication avec eux sans s’imposer de trop mais sans se faire avoir, un juste équilibre à trouver ! Vers la fin de la mission, Didier a voulu rentrer seul à travers la montagne car il était « au bout du bout », et bien… s’il avait su….

À la fin du livre, on a des nouvelles de beaucoup de protagonistes cités et c’est vraiment intéressant de voir ce qu’ils sont devenus. Ce qui est certain, c’est que ces hommes et ces femmes ont tissé des liens indéfectibles.

« Le photographe » dit que pour faire de bonnes photos, cela passe par une amélioration des relations avec les gens. Sans doute parce que si on les comprend, lorsqu’on appuie sur le déclencheur, on sait sublimer ce qu’ils expriment.

Cet ouvrage de près de trois cents pages est une réussite. Texte, clichés et dessins, tout est parfaitement équilibré et le contenu est fort, puissant.

J’ai été secouée par cette lecture. Par tout ce qui est dit, et par ce qu’on saisit entre les lignes. La violence des combats, la peur des blessés qui restent courageux, l’angoisse des familles face à tout ça. Il y a forcément eu un avant et un après pour Didier Lefèvre. Son corps a ramassé, il a souffert et pourtant il est reparti, pris par le virus de montrer la vie, la vraie, sans retouche, de ceux qui là-bas ou dans d’autres lieux, souffrent d’une façon injuste.

NB : en dernière page : un DVD bouleversant qui complète la lecture.


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