"Le monde de la berge fleurie" d'Atticus Lish (The War for Gloria)

 

Le monde de la berge fleurie (The War for Gloria)
Auteur : Atticus Lish
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Céline Leroy
Éditions : Christian Bourgois (31 Août 2023)
ISBN : 978-2267050561
640 pages

Quatrième de couverture

Corey Goltz, quinze ans, grandit dans la banlieue ouvrière de Boston. Il vit seul avec sa mère Gloria. Tout change quand un médecin lui apprend qu’elle est atteinte de la maladie de Charcot. Car à mesure que Gloria perd son autonomie et son énergie vitale, Corey doit s’organiser pour faire face.

Mon avis

Corey, quinze ans, vit avec sa mère, Gloria, dans la banlieue de Boston. Un quartier plutôt pauvre, où il faut trouver sa place, chercher son équilibre pour grandir le plus sereinement possible. Le père, Leonard, est aux abonnés absents. Il passe de temps à autre à l’appartement qu’il semble prendre pour un hôtel. Les journées s’enchaînent. Corey est un adolescent agité, parfois en opposition avec les adultes. Gloria gère de son mieux. Ce n’est pas toujours une pleine réussite mais elle a de la bonne volonté et fait tout pour son fils qui est sa priorité. Elle rêve qu’il réussisse bien à l’école et qu’il ait un bon métier.

Mais la vie ne fait pas toujours de cadeau. Un jour, tout s’écroule. Le diagnostic tombe, Gloria souffre de la maladie de Charcot. Un mal insidieux, qui détruit le corps petit à petit alors que l’esprit est toujours alerte. Corey a quinze ans, c’est encore un gosse et face à ce drame, on se demande comment il va réagir. Il prend sa décision, il sera le soutien de Gloria, celui qui assume, se renseigne, est présent, vigilant. Tiendra-t-il sur la durée ? Pourra-t-il assumer le quotidien et ses études en parallèle ? Il n’est pas encore un homme, il se cherche…. Sur qui peut-il compter pour l’aider ? Leonard ? Un homme pas net, qui ment avec une facilité déconcertante ? Joan, une amie de la famille avec qui ils sont en froid ? Comment va-t-il réagir face à la dégénérescence du corps de sa Maman ? Lorsqu’elle ne pourra plus écrire, marcher, manger, s’habiller seule ? Est-ce son rôle ? La placer ou pas, à quel moment ? Les finances vont-elles suivre face à tous les soins, accessoires médicaux couteux (au passage, l’auteur nous rappelle qu’aux Etats-Unis les aides ne sont pas les mêmes pour tout le monde…)?

On a l’impression que Corey se fait une obligation d’être le pilier sur lequel Gloria peut s’appuyer. Mais lui ? N’est-il pas trop seul ? Qu’espérer de son amitié avec Adrian, un camarade qu’il admire, qui l’attire ? Ce dernier, passionné par Nietzsche, est plutôt bizarre dans ses liens aux autres, ses réflexions, ses choix, sa façon de vivre … Corey découvre le MMA (mixed martial arts), un sport alliant violence et arts martiaux dans un combat terrible. Il sculpte son corps en opposition à celui de celui de Gloria qui « fond »….

Corey aide sa mère du mieux qu’il peut, il fait des choix forts pour assumer son rôle, mais il est jeune et il doit « se construire ». Qu’en est-il de sa vie personnelle ? De ses préoccupations de jeune homme ? Ne risque-t-il pas de « s’oublier » ?

Ce magnifique roman est le cheminement d’un enfant vers le monde adulte. Une route pas facile, car Leonard dangereux manipulateur pose problème. Pour Corey, il lui faudra « tuer le père », se débarrasser de son emprise. Parce que la frontière entre le bien et le mal est parfois infime et Corey subit des influences qui le déstabilisent. Parce que parfois, il n’en peut plus, il est à bout (et on le comprend !) et que l’argent facile est à portée de mains. Il chute, se redresse, avance encore et ne lâche pas Gloria.

L’auteur ne nous épargne rien, ni dans la maladie et ses travers douloureux, ni dans les écueils rencontrés par Corey. Ce n’est pas seulement une femme et son fils que nous rencontrons et accompagnons, c’est également tous ceux qui gravitent autour d’eux. Certains aident Corey, d’autres non… Sa volonté est admirable, l’amour qu’il porte à sa mère est très fort.

Chronique sociale et familiale, ce roman est une réussite. L’écriture (merci à Céline Leroy pour l’excellente traduction) est ciselée. Les détails précis sur les émotions, les ressentis, les tranches de vie, sont d’une finesse sans cesse renouvelée. Le style est puissant et les nombreux thèmes abordés par Atticus Lish le sont avec intelligence et brio.

Des personnages qui se démarquent et une lecture inoubliable.

NB : Le titre en anglais est significatif !

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