Le silence (Small Mercies)
Auteur : Dennis Lehane
Traduit de l’américain par François Happe
Éditions : Gallmeister (23 Avril 2023)
ISBN : 978-2351783221
450 pages
Quatrième de couverture
En cet été de 1974, à South Boston, quartier irlandais de
Boston, Mary Pat Fennessy mène une existence routinière. Un soir, Jules, sa
fille de dix-sept ans, ne rentre pas à la maison, et sa trace disparaît dans la
chaleur moite de la ville. La même nuit, un jeune Noir se fait mortellement
percuter par un train dans des circonstances suspectes. Ces deux événements
sans lien apparent plongent les habitants de Southie dans le trouble.
Mon avis
« Nous sommes des êtres humains. Le pire d’entre
nous a du bon en lui. Le meilleur d’entre nous a le cœur qui renferme une part
de mal pur. Nous bataillons. »
Dennis Lehane est un de mes auteurs préférés, il ne m’a
jamais déçue. Ses romans sont noirs, soulèvent des problématiques de violence,
de racisme, de société. Alors oui, le propos est dur, sombre, pas gai mais
c’est tellement bien écrit ! Ça vous prend aux tripes dès les premières
lignes et vous êtes immédiatement dedans.
On est en 1974, à Boston, dans le quartier
« Southie » où sont installées, en majorité, des personnes d’origine
irlandaise. Ce n’est pas très loin de là que Lehane a lui-même grandi. À cette
époque, la politique du « busing » est mise en place. Il s’agit de
transporter, en bus, des élèves blancs dans des écoles accueillants des élèves
noirs et inversement afin de participer à la désagrégation. Une méthode pour
éviter toute ségrégation raciale…. Sur le papier, ça peut sembler une bonne
idée. Mais les habitants, jeunes ou adultes, ne veulent pas de ce projet et les
tensions sont nombreuses. Il n’est pas bon de s’attarder dans un quartier où on
n’a rien à faire et tout étranger ne sera pas le bienvenu.
C’est dans cette atmosphère que nous faisons connaissance
avec Mary Pat, une mère de famille de Southie qui vit avec sa fille Jules,
dix-sept ans. Son fils, vétéran du Viet Nam est mort, son premier mari aussi et
le second n’est plus avec elle. Elle accumule les boulots pour s’en sortir,
fait de son mieux avec sa gosse qui n’est pas toujours facile. Dans leur
appartement, rien de bien folichon, les bruits qui s’entendent comme dans
beaucoup de cités… Mais en apparence, les gens du coin se serrent les coudes.
Un soir, Jules ne rentre pas et en parallèle, un jeune Noir
meurt dans des circonstances un peu bizarres. Mary Pat, une battante dans tous
les sens du terme, décide de retrouver Jules. On va suivre la quête de cette
femme volontaire, pleine de rage et de colère, prête à tout. Elle traque les
hommes, les femmes qui savent, peut-être, ce qu’il s’est passé cette nuit. Elle
recoupe les faits. C’est une guerrière. Et si la police traîne un peu, elle
agit.
Peut-on faire justice soi-même ? Où se situe la limite
entre le bien et le mal ? A-t-on le droit d’autoriser la haine quand on a
souffert injustement ? Ce sont des questions récurrentes chez Lehane, et
elles sont primordiales.
Au fil des pages, nos poings se serrent, la tension
s’intensifie, on sent que les lieux deviennent une cocotte-minute, tout peut
exploser d’un moment à l’autre. Mary Pat, mère courage, ne lâche rien, creuse
encore et encore, elle veut la vérité. Ceux de la cité ne sont pas si unis que
ça et elle se sent bien seule. Un policier, Bobby, réalise qu’elle va
probablement aller trop loin. Mais que faire pour la calmer, alors que même la
police n’arrive pas à gérer les trafics de drogue et tout ce que cela entraîne
de dégâts et de dérives ?
Quand cet auteur écrit, il me bouscule, me bouleverse, me
captive. Même s’il me renvoie en pleine face, certains mauvais côtés de notre
monde (car il ne faut pas rêver, ce n’est guère mieux de nos jours), il a le
mérite de nous rappeler qu’il faut être vigilant. Il sait transmettre à la
perfection les émotions, les scènes, on est au cœur de ce que vivent les
protagonistes. La psychologie des individus est approfondie et très présente
sans être lourde. Le vocabulaire très « parlant » (merci à François Happe
pour l’excellente traduction).
C’est du grand Lehane et je souhaite vraiment que ce ne soit
pas le dernier, comme le disent quelques rumeurs.
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