"La valse des McKinleys" de Richard Canal

 

La valse des McKinleys
Auteur : Richard Canal
Éditions : du Caïman (26 Octobre 2023)
ISBN : 978-2493739117
450 pages

Quatrième de couverture

Ulysses, une petite ville sidérurgique du centre des États-Unis frappée de plein fouet par la récession, de ces steeltowns que chante Bruce Springsteen. Il est trois heures du matin. Ça fait plus d’une semaine que la pluie s’acharne sur la région. La rivière est en crue, les rues sont sous les eaux. Une voiture approche au ralenti des abords de la ville, s’écarte de la route et verse dans un fossé. Au volant, un homme inconscient, gravement blessé. Dans le coffre, une pelle tâchée de sang.

Mon avis

Un auteur français pour un récit noir et bien ficelé dans une petite ville des États-Unis ! J’ai été scotchée dès les premières pages par l’ambiance, on s’y croirait !

Ulysses, c’est une bourgade un peu isolée, qui a connu la fortune et où, maintenant, il n’y a plus grand-chose à espérer, surtout pour les jeunes. Alors, ils vivent de petits et gros trafics, ils passent la drogue sous le manteau et vivotent grâce à ça. C’est le cas de Kurt au prénom mal choisi, maudit. Il deale et fournit des copains, au grand désespoir des parents de ceux-ci. Il y aussi les policiers, une équipe où on collabore, même avec la femme du collègue, parce qu’après tout, il faut bien prouver qu’on est un homme et faire le beau…. Ils n’ont pas toujours de quoi s’occuper, à part avec des petits délits alors le jour où ils trouvent une voiture au fossé avec un inconnu mal en point, c’est l’occasion de bosser un peu plus. Surtout que, dans le coffre, une pelle tâchée de sang est découverte. Malheureusement, la pluie tombe depuis plus d’une semaine, le véhicule est embourbé, alors les indices….

C’est une espèce de désespérance qui règne dans les rues, sur les routes, dans les bars et les habitations. On sent que les protagonistes n’ont pas grand-chose à quoi se raccrocher. La mélancolie, les regrets, imprègnent les pages. Et puis, des petites frappes débarquent, ils semblent chercher le blessé trouvé groggy derrière son volant. Les événements s’enchaînent et en toile de fond, on suit des gens du coin, des femmes entre autres. La jeune Alice, désabusée, perdue et pourtant lumineuse. La seconde épouse d’un flic qui se demande si ce serait mieux ailleurs et Kurt qui doit beaucoup d’argent à son fournisseur.

Et bien sûr, l’homme mystérieux à la pelle, ses poursuivants, ses acolytes et les enquêteurs.  Il s’en passe entre tous ceux-là, jeux de poker menteurs, course poursuite entre chats et souris. C’est à celui qui aura le leadership sur l’autre, qui obtiendra les informations dont il a besoin et plus si affinités (les fameux McKinleys qui sont des gros billets anciens qu’on peut encore échanger…) Alors, l’enjeu est important et il faut la jouer fine …

J’ai vraiment apprécié que l’auteur ne se focalise pas uniquement sur une histoire de gendarmes et de voleurs. Il plante un décor très visuel, très réaliste, complet et intéressant. On « voit » les lieux, la pluie qui dégouline, la nuit qui tombe, le vent qui souffle sur le pont, on entend la musique (que de beaux titres évoqués, ça mériterait une play list), les voix rauques, les murmures, les gémissements et les cris. Je ne suis pas fan des expressions toutes faites mais « roman d’atmosphère » me semble convenir pour ce livre. Au-delà de l’intrigue, bien pensée et à découvrir, c’est Ulysses et ses habitants qui méritent largement le détour. La bourgade pour son « caractère » rebelle. Et les résidents pour leur tempérament hauts en couleur.

L’écriture est puissante, c’est noir, ça dépote, on ne s’ennuie pas une seconde. Parfois une pointe d’humour.

« L’officier avait toujours l’impression d’être au zoo quand il mettait des gens en cage. Il y avait les tigres qui n’arrêtaient pas de tourner, il y avait les singes qui se grattaient les couilles en vous narguant, et il y avait les lémuriens qui restaient prostrés des heures durant, le regard fixé sur une blatte ou sur leurs godasses. »

Le style est vif. On passe d’un individu à un autre, d’un lieu à l’autre, personne ne domine vraiment, à part peut-être Wallace Ackerman. J’ai trouvé tous ceux et toutes celles qui sont présentés étoffés, réalistes dans leurs espoirs et leur détresse.

Je suis enchantée de cette lecture !

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