Maddi (Maddi y las fronteras)
Auteur : Edurne Portela
Traduit de l’espagnol (Espagne) par Marianne Million
Éditions ; Liana Levi (7 Mars 2024)
ISBN : 979-1034908837
272 pages
Quatrième de couverture
Elle ne sait pas ce que l’avenir lui réserve, Maddi, quand
un beau jour de 1929 elle débarque au pied de La Rhune. Cette fille de paysans
basques veut simplement échapper à une vie de résignation. Rebelle et
anticonformiste, elle est bien décidée à mener sa barque à l’hôtel-restaurant
du col de Saint-Ignace. Mais bientôt l’Espagne voisine, puis l’Europe tout
entière vont s’embraser. Alors cette habituée des sentiers de contrebande fera
passer documents et humains à travers la frontière toute proche, même après
1940, quand son hôtel sera réquisitionné par des officiers allemands.
Mon avis
Maddi est un livre magnifique, librement inspiré de la vie
de María Josefa Sansberro, née à Oiartzun en 1895. L’auteur, historienne
espagnole, a reçu des documents sur cette femme et sa cousine et après les
avoir consultés, après avoir écouté ceux qui les lui avaient transmis, elle a
décidé de rédiger ce roman. C’est pour elle une façon de donner une existence à
toutes ces témoins disparues, oubliées, en leur rendant hommage. Elle explique sa
démarche dans les dernières pages et c’est très intéressant.
Ancré dans un contexte historique riche, ce récit est un
très beau portrait de femme.
Maddi choisit de partir pour vivre autre chose que ce à quoi elle était
destinée en tant que fille de paysans. Son vélo, une petite valise et la voilà
qui débarque vers Louis qui tient un hôtel. Il est plus âgé qu’elle, elle l’aidera
au bar, à faire les chambres, la vaisselle, la cuisine… On est en 1929, ça ne se fait pas une jeune
femme qui décide, qui tient tête, qui refuse ce qu’on lui a imposé mais elle s’en
fiche Maddi, à un peu plus de trente ans, elle veut se sentir libre. Peu
importe les regards de travers. Que fait-elle avec cet homme plus vieux, y-a-t-il
quelque chose entre eux ? Sa réputation ? Elle n’attache pas d’importance
à ce que les gens pensent, pourvu qu’on la laisse tranquille.
Ce n’est pas facile mais elle est volontaire, tenace,
exigeante avec elle-même. Un événement va bouleverser le quotidien de Louis et
Maddi. Ils vont de voir faire des choix forts, qui les engagent mais ces
deux-là ne baissent pas les bras. Ensuite, viendra la guerre et l’hôtel sera
réquisitionné. Que faire ? Maddi connaît la forêt, les sentiers, elle peut
aider à combattre l’ennemi, quitte à prendre des risques. Alors, elle agit
parce qu’elle veut continuer à se regarder dans une glace, parce qu’elle croit
en la force du combat des résistants.
Maddi n’a pas été la seule à se battre contre le fascisme.
En lui donnant la parole (le texte est écrit à la première personne du
singulier), l’auteur nous rappelle toutes celles qui ont fait la même chose et
qui n’ont pas forcément de plaque commémorative (Maddi en a une seulement
depuis 2021). L’écriture (merci à la traductrice) fluide, engagée, donne une
place importante aux femmes, on sent la féministe qui parle entre les lignes.
C’est une histoire qui prend aux tripes, qui émeut (j’ai même
pleuré). Le style de l’auteur est prenant. Elle s’est appropriée la
personnalité de Maddi, comme si elle était de sa famille. On la suit dans son
quotidien difficile, fait de luttes, de peur, de doutes, mais jamais de résignation.
Il y a une photo en noir et blanc de sa cousine (très présente dans le recueil
également) et elle. J’imagine Maddi le regard vif, droite dans ses espadrilles,
refusant d’obéir aux bien-pensants, capable de secouer les hommes, de réagir
vite et bien en cas de coup dur, sachant aimer ceux qui en ont besoin, tissant
des liens solides avec ceux à qui elle fait confiance.
Le destin de Maddi m’a émue, bouleversée, je ne peux que
remercier Edurne Portela de l’avoir présentée avec son cœur parce qu’elle a
fait battre le mien plus fort tant je me suis attachée à Maddi, tremblant pour
elle et ceux qu’elle aimait.
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