Le Lièvre aux yeux d’ambre (The Hare with Amber Eyes)
Auteur : Edmund de Waal
Traduit de l’anglais par Marina Boraso
Éditions : Flammarion (25 février 2015)
ISBN : 978-2081347243
480 pages
Quatrième de couverture
Charles Éphrussi, qui inspira à Proust le personnage de
Swann, fut le patriarche d'une des plus grandes familles de la bourgeoisie
juive du XIXe siècle. Amis de Schnitzler, d'Hofmannsthal, mécènes des
impressionnistes, les Éphrussi menèrent grand train entre Paris et Vienne
jusqu'à ce que le pillage nazi et la guerre les précipitent dans la tragédie.
De leur splendeur, égale en son temps à celle des Rothschild et des Camondo,
rien ne survivra, sinon une étonnante collection de miniatures japonaises - les
netsukes -, parmi lesquelles, comme sur la couverture de ce livre, un certain
lièvre aux yeux d'ambre.
Mon avis
Edmund de Waal est céramiste, il a commencé à s’intéresser à
cet art lorsqu’il avait cinq ans. C’est en 2010 que ce livre a été publié, il s’agit
en quelque sorte, des « mémoires » de sa famille sur plusieurs générations.
Il y développe l’histoire d’une collection de deux-cent soixante-quatre netsuke-s
(le s n’est pas « obligatoire ») japonais (des sculptures miniatures
en ivoire et en bois, parfois utilisées comme boutons). Propriété de la famille
Éphrussi, elle a finalement atterri chez les de Waal, apparenté par un grand
oncle.
De 1871 à 2009, nous faisons connaissance avec plusieurs
membres de la famille (un arbre généalogique est à disposition dans les
dernières pages), et parfois avec des domestiques dont Anna qui a caché et « sauvé »
les miniatures. Sans elle, l’héritage était perdu.
« Pour Anna, chacun de ces netsukes est un acte de
résistance à l’oblitération de la mémoire. »
C’est auprès d’Iggie, son grand-oncle, que l’auteur a
récupéré de nombreux éléments pour relater le vécu de ces miniatures. Il est
potier et il se révèle comme un grand écrivain. Il a fait des recherches. Parfois
il glisse une photo, un document. Le texte n’est pas lourd, chaque mot coule de
source, choisi avec soin. Tout est parfaitement agencé pour captiver le
lecteur. Il parle des siens, de leur exil, de leurs difficultés. Il décrit l’art
japonais et sa place. Les netsukes mériteraient d’avoir la parole, ils ont vu
des mains les toucher, les caresser, les transporter, les offrir, les cacher.
Ils ont entendu et vu tant de choses.
Chacun de ceux qui les ont eu en mains a réagi avec ses
ressentis. On a tous une relation particulière, personnelle, face à des objets
d’art suivant ce qu’ils représentent pour nous. Si j’allais les voir, je sais
que je serais bouleversée parce que ce livre leur offre une reconnaissance, une
« vie ».
Le récit est riche, précis, mettant en lien ce qu’il
présente avec les événements historiques du moment. L’écriture est fluide
(merci à la traductrice) et le propos fascinant. En premier pour chaque personne
évoquée mais également pour tout ce qu’on apprend sur ces petits objets. Le
toucher, la forme, la matière, leur rôle, c’est toute une histoire et plus
encore. Une passion pour ceux qui les gardent en vitrine, regroupés avec soin
par catégories.
Cette lecture est « marquante », elle fait voyager
(les lieux sont décrits avec finesse), elle offre des savoirs étoffés, jamais « rasants »
car intéressants et elle permet de comprendre la démarche d’Edmund de Waal.
L’art, l’Histoire (avec un grand H), la saga familiale, tout
est réuni tant sur le fond que la forme pour un coup de cœur !
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