Irina Nikolaevna (Irina Nikolaevna o l’arte del romanzo)
Auteur : Paola Capriolo
Traduit de l’italien par Audrey Richaud
Éditions : Liana Levi (7 Novembre 2024)
ISBN : 979-1034909933
274 pages
Quatrième de couverture
Un après-midi de septembre 1881, à San Remo, une jeune fille
parcourt l’allée qui mène à la villa de Lady Brown, veuve d’un entrepreneur
méritant devenu Sir tardivement. Celle-ci recherche une dame de compagnie et
Irina Nikolaevna aimerait occuper ce poste. Elle se présente donc en soulignant
que, malgré ses nobles origines, elle n’est que la fille illégitime d’un boyard
russe. Éblouie par les élégantes manières de la postulante la Lady l’accueille
sans hésitation. Désormais, et pendant plus de vingt ans, les deux femmes vont
s’inscrire dans la vie étincelante de la Riviera italienne.
Mon avis
Quelle tâche ardue que de chroniquer ce roman délicieux sans
l’abîmer tant il est délicat, exquis. Je voudrais, comme l’auteur l’a fait
elle-même dans ce récit, trouver les mots à la mesure des émotions ressenties
pendant cette lecture. Une lecture, toute en retenue. On rentre sur la pointe
des pieds et on ressort de même. Comme si on ne voulait pas déranger ce lien exceptionnel
qui se tisse, sous nos yeux, entre ces deux femmes, tellement différentes.
On accompagne, tout au long des deux-cent soixante dix
pages, une relation improbable entre Lady Brown, une anglaise, veuve, installée
sur la Riviera, et la dame de compagnie qu’elle a choisie. Une jeune femme, se
présentant comme la fille illégitime d’un boyard russe, qui a vécu dans le luxe
mais ne le peut plus…. Pourquoi l’a-t-elle élue, elle, et pas une autre ?
Peut-être parce qu’elle est auréolée d’une part de mystère, se disant obligée
de s’éloigner du faste auquel elle est habituée pour des raisons assez obscures
qu’elle ne dévoile pas …. Toujours est-il qu’elle l’embauche et que nous allons
suivre ces deux femmes pendant vingt ans de 1881 au début du nouveau siècle.
Irina, si toutefois c’est bien son nom, est en deçà et en delà,
mystérieuse, d’une intelligente hors norme, caméléon, dotée d’un sens accru de
l’observation, s’adaptant avec une facilité déconcertante, non seulement à sa
patronne, mais aux voisins, à ce que lui offre la vie. Ils seront plusieurs à
essayer de mieux la connaître mais elle répond d’une pirouette et personne ne
va plus loin. Elle a une façon innée de nouer des liens, même avec des gens
importants, un baron allemand, monsieur Nobel en personne. Veut-elle obtenir
quelque chose d’eux ou est-ce simplement de la politesse, de l’intérêt ? Personne
ne le sait, ni eux, ni la Lady et encore moins le lecteur (et dirait le
narrateur : est-ce que ça le regarde ?).
Pourtant Lady Brown s’interroge, suppose, émet des
hypothèses mais elle n’obtient rien d’Irina et elle n’est pas sans avoir
compris que si elle insiste, sa compagne disparaitra… et elle lui est devenue
indispensable. Pour les conversations, les échanges, le partage, tout en raffinement,
respect et écoute.
Finalement, ce personnage assez secret, chacun se
l’approprie, bien qu’elle soit totalement imprévisible. Elle le dit, elle a
appris les bonnes manières dans les livres (c’est une grande lectrice, c’est
sans doute notre seule certitude) mais le reste ?
L’histoire se déroule à Sanremo, où les riches s’installent
près de la mer pour respirer le bon air. On se reçoit pour le thé, on discute
de tout et de rien, surtout de rien, d’ailleurs… C’est la fin de la Belle-Époque.
Les deux comparses, installées elles à demeure, observent ce qui se passe chez
les voisins, les allées et venues, les visiteurs plus ou moins énigmatiques…. C’est
calme mais parfois un événement bouscule tout.
« Il se passe quelque chose dont ni Lady Brown ni
Irina Nikolaevna n’avait jamais fait l’expérience : une danse rythmée, frénétique,
convulsive, diabolique, transforme soudainement les murs et le sol en des
surfaces élastiques, et dès lors, se propage telle une épidémie foudroyante qui
touche tous les meubles robustes de style Chippendale, les saisit, les contraint
de se joindre à la ronde en les poussant au centre de la pièce, tout à coup affranchis
des lois de la pesanteur. »
Un tremblement de terre et tout est transformé…
J’ai été comblée, conquise, charmée par ce livre dès les
premières lignes. J’ai énormément apprécié la description de l’atmosphère, des
lieux, des rapports entre les uns et les autres. Moi qui veux toujours tout
savoir, tout comprendre, j’ai trouvé très bien de n’avoir que des sous-entendus
larvés, aucune certitude, hormis une légère rougeur sur les joues d’Irina
(rougeur qui n’est en rien une conviction, je le sais). De plus Paola Capriolo
tisse son texte avec des repères historiques réels bien introduits et qui
apportent un éclairage intéressant et même un peu de piment (je pense aux
rencontres avec Monsieur Nobel) à l’ensemble.
Merci à la traductrice qui a su transcrire cette écriture raffiné, poétique, parfois un tantinet surannée mais absolument enchanteresse.
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