Antoine, un fils aimant
Auteur : Sandrine Cohen
Éditions : Belfond (6 Février 2025)
ISBN : 9782714404688
386 pages
Quatrième de couverture
À dix-sept ans, Antoine Durand est un lycéen brillant, sans
histoires, qui grandit dans la banlieue huppée de Meudon. Jusqu’à ce dimanche
de février où, dans la cuisine, Antoine pointe un fusil de chasse sur son père.
Pour le braver, le faire rire, mais l’arme est chargée et le coup part. Xavier
Durand meurt sur le coup. Enquêtrice de personnalité, Clélia Rivoire se charge
du dossier. Son travail : retracer la trajectoire de vie du prévenu, comprendre
les raisons de son passage à l’acte et apporter des pièces au dossier en vue du
procès.
Mon avis
La justice devrait réparer, soigner, prendre en charge.
Et non punir.
Il a dix-sept ans, il s’appelle Antoine, Antoine Durand,
lycéen plutôt brillant qui veut apprendre le droit après son bac. Un jour, il
appelle la police. Son père est rentré de la chasse et il l’a tué avec la
carabine alors que sa mère et sa sœur étaient sorties dans le jardin pour
récupérer du basilic pour la salade. Il semble froid, détaché de cet événement
pourtant dramatique. Pourquoi a-t-il fait ça ?
C’est ce que Clélia Rivoire, enquêtrice de personnalité, est
chargée de cerner. Elle doit comprendre le pourquoi du passage à l’acte. Pour
elle, ce n’est pas anodin. Ce genre de geste s’inscrit dans l’histoire
personnelle de l’individu, dans un « ensemble ». C’est ce qu’elle
pense.
Étape numéro un, elle rencontre Antoine. Elle sent que
quelque chose lui échappe. Il l’intrigue, elle a du mal à le cerner. Elle va
creuser, questionner, aller plus loin que sa première impression. D’abord c’est
son boulot, et puis, chez elle, c’est un besoin viscéral d’avoir tous les
éléments. Elle a une intelligence en arborescence, elle suit un fil, puis un
autre, elle est dotée d’une intuition exceptionnelle, mais il lui arrive d’être
trop impulsive. C’est une pro dans son domaine. Sans doute parce qu’elle a une
sensibilité à fleur de peau, ça l’aide et ça la dessert également. Elle a cette
capacité à absorber et observer, permettant d’imaginer les différents scénarios
afin de déchiffrer peu à peu ce qui a pu se passer. Mais, en parallèle, ce
fonctionnement la ronge, d’autant plus que sa propre histoire est douloureuse
comme on le découvre au fil des pages. Elle a un sens exacerbé de la justice.
« […} elle veut pouvoir décider seule ce qui servira
le mieux la justice, pas celle des hommes, la sienne, celle qui prend en compte
l’ensemble de l’équation d’un crime, pas seulement l’acte en lui-même
[..] »
Elle va questionner Antoine, sa mère, sa sœur, ses copains
de lycée. Elle ne lâche rien, c’est une femme d’excès, que ça soit dans sa vie,
dans son travail, elle ne sait rien faire à moitié. Ses excès ne risquent-ils
pas de la détruire ? N’est-elle pas hantée par la peur, des peurs ?
Cette affaire envahit son quotidien jour et nuit.
L’écriture percutante de Sandrine Cohen nous permet de
pénétrer les âmes des protagonistes, elle les fouille, comme Clélia fouille
celles de la famille Durand. Ce qui est
impressionnant c’est que, tout comme pour l’enquêtrice, tout cela nous
« colle » à la peau. Je me suis sentie « imprégnée » par ce
que je lisais, j’aurais voulu donner mon avis, échanger avec tous ces
individus, crier, pleurer, ou me taire parfois, tendre l’oreille, puis la main
…
Les thèmes abordés sont très intéressants. Comment rompre la
chaîne de la violence lorsque c’est un mode d’éducation ? Est-ce que ça se
transmet lorsqu’on n’a vu que ça ? Quel est le poids du passé ?
La place de chacun dans un couple ? Qu’est-ce qu’être libre ?
C’est avec beaucoup de doigté que tout cela est développé.
Quelques incursions dans le passé permettent d’éclairer le présent de chacun. Clélia
est attachante avec ses forces et ses fragilités. Antoine également, ainsi que
sa mère. L’auteur insiste sur ce qui nous construit, elle souligne combien
« savoir aimer » est essentiel pour grandir. Elle ne fait pas la
morale, elle approche les personnalités de ceux qu’elle présente au plus
profond et avec beaucoup de justesse.
Ce roman m’a bouleversée. J’ai eu le sentiment de lire un fait divers réel et ses ramifications. J’aurais pu être jurée et quelle aurait été ma conviction intime, qui aurais-je écouté ?
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