"Coeur noir" de Silvia Avallone (Cuore Nero)

 

Cœur noir (Cuore Nero)
Auteur : Silvia Avallone
Traduit de l’italien par Lise Chapuis
Éditions : Liana Levi (6 Février 2025)
ISBN : 979-1034910359
450 pages

Quatrième de couverture

C’est dans les hauteurs d’un petit bourg de montagne qu’Emilia vient s’installer. De la maison d’en face, le maître d’école l’épie par la fenêtre, bien résolu à défendre son espace de tranquillité et à ne pas tisser des liens avec sa nouvelle voisine. La jeune femme finit pourtant par entrer dans sa vie, sans rien dévoiler d’elle-même. Pourquoi est-elle-là ? Quel est son passé ? Même la liaison amoureuse entre les deux trentenaires ne suffit pas à faire tomber les masques. Chacun sent cependant chez l’autre un abîme semblable au sien et une même certitude : le village de Sassaia est leur refuge, la seule solution pour échapper au passé et à un avenir auquel tous deux ont cessé de croire.

Mon avis

L’indicible, ce n’est jamais le moment où, l’instant bouleversant. C’est le lent, l’inexorable après. 

Sassaia est un village minuscule, quelques maisons, deux seulement habitées à l’année, par des hommes solitaires. Pour y arriver, il faut quitter la ville d’Alma et prendre un chemin à pied qui monte dans la forêt de châtaigniers. Si quelqu’un s’aventure dans ce coin, c’est vraiment par choix. C’est celui d’Emilia qui, un jour de 2015, accompagnée de son père, grimpe le sentier jusqu’à une bâtisse où elle s’installe, seule, avec ses bagages.

Bruno, le voisin d’en face, professeur à l’école du bas, ne voit pas cette arrivée d’un bon œil. Sa solitude, sa tranquillité, il y tient. Pourtant, il est un peu attiré, peut-être par curiosité, il se pose des questions. Qui est-elle et qu’est-elle venue faire dans ce coin perdu ? Il ne veut pas d’elle. Ça tombe bien, elle souhaite qu’on la laisse tranquille.

« Qui je suis, qui je veux être, je ne sais pas.
Je le déciderai pas à pas, en écoutant ce que me dit la vie. »

Quand Bruno intervient dans le récit, donnant son point de vue, il dit « je ». Pour les autres chapitres, c’est un narrateur. De chapitre en chapitre, des éléments se mettent en place, des informations du passé parviennent au lecteur qui assemble les pièces du puzzle, découvrant petit à petit ces deux personnages.

Ce sont deux vies brisées qui doivent se relever, qui essaient de reconstruire « l’après ». Cet après qui est souvent si douloureux lorsque le passé le hante, le ronge. Bruno et Emilia vont-ils réussir à dialoguer alors que chacun défend farouchement son indépendance et refuse de parler de l’avant ? Et puis, pourquoi se confier ? Pour dire ce qu’ils ont toujours tu ? Pour se libérer ? Pour être « vrai » et se dévoiler ? Peut-être pour vivre tout simplement …

« Une personne qui ne m’était pas étrangère, ou plutôt que j’avais gardée bâillonnée à l’intérieur de moi pendant tant de temps, à qui j’avais interdit toute forme et mesure de bonheur. »

Silvia Avallone est une grande écrivaine, elle tisse des histoires exceptionnelles. Son écriture profonde s’attache aux individus, elle leur donne vie, mettant des paroles très justes dans leur bouche, leur offrant des pensées intimes précises et des actes réalistes.

Ces deux êtres fracassés, cabossés, vont s’apprivoiser mais rien n’est simple. Dire oui à la rencontre, c’est prendre un risque…

« Si vous aimez une personne, vous ne pouvez pas faire abstraction de ce qu’elle est, et a été. Vous ne pouvez pas la diviser en parties, choisir celles qui vous conviennent. Vous devez l’accepter tout entière »

Ce qu’ils ont vécu est totalement opposé et on peut légitimement se poser la question de savoir s’il est possible qu’ils « s’acceptent »…

C’est avec beaucoup de doigté, de finesse, d’intelligence que l’auteur explore ces deux âmes qui souffrent. Elle les accompagne vers une possible résilience. Elle construit son texte avec quelques incursions dans le passé, apportant un éclairage sur Bruno et Emilia. Ils sont imprévisibles, leurs blessures ne sont pas cicatrisées et parfois la colère remonte à la surface et les pousse à des réactions inattendues …

Ce roman est bouleversant, tellement bien rédigé (merci à la traductrice !). Il nous touche au cœur, parce qu’il parle de la détresse humaine, de l’amour dans la famille, de la culpabilité, de tout ce qui détruit et construit les relations humaines, si complexes, mais aussi si belles … Un coup de cœur !

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