Le chant du prophète (Prophet Song)
Auteur : Paul Lynch
Traduit de l’anglais (Irlande par Marina Boraso
Éditions : Albin Michel (2 Janvier 2005)
ISBN : 978-2226481481
304 pages
Quatrième de couverture
À Dublin, un soir de pluie, deux hommes frappent à la porte d’Eilish Stack. Membres d'une toute nouvelle police
secrète - le GNSB -, ils demandent à s'entretenir avec son mari, enseignant et
syndicaliste, mais celui-ci est absent. Larry se rend au commissariat dès le
lendemain, puis disparaît dans des circonstances troublantes. Tandis que le
malaise s'installe peu à peu, Eilish voit son quotidien et celui de ses quatre
enfants amputés d'une liberté qu'elle tenait pour acquise. Bientôt l'état
d'urgence est déclaré, les rumeurs parlent de camps d'internement...
Mon avis
On se croit protégé, à l’abri, on pense que tout ça, ces
choses horribles, ces droit bafoués, c’est loin de nous… Et puis, un jour, quelqu’un
frappe à la porte et tout bascule…
C’est ce qu’il se passe, un soir chez Eilish
et Larry, à Dublin. Elle est microbiologiste, il est prof et syndicaliste
(adjoint au secrétariat général du syndicat des enseignants d’Irlande), ils ont
quatre enfants, une maison, une vie bien remplie. Il se bat pour les droits des
enseignants, c’est normal, c’est son rôle, veiller et agir. Manifester aussi si
besoin. Ce n’est pas, encore, interdit…
Mais ce jour-là, des agents de la nouvelle police secrète,
dont on ne connaît pas vraiment la mission, si ce n’est qu’elle a été mise en
place suite à l’état d’urgence pour le pays afin de gérer la crise, toquent à
la porte et demandent à voir Larry. Il est absent, en réunion. Il devra se
rendre au commissariat dès le lendemain, sans attendre. Lorsqu’il rentre, cette
visite l’interroge. Et le jour suivant, il se rend au rendez-vous. Il apprend,
avec stupéfaction qu’il y a eu un signalement contre lui.
« [..]vous vous conduisez comme quelqu’un qui sème la
discorde et l’agitation. »
Il doit faire « son examen de conscience » et prouver
qu’il suit bien les règles. Lui, il considère qu’il remplit sa fonction de
syndicaliste et qu’il exerce ses droits civiques. Le dialogue est impossible et
il ne rentre pas chez lui.
Son épouse, ne le voyant pas revenir au domicile familial,
se renseigne, se bouge, se bat. Elle doit faire preuve de discernement, ne pas se
mettre en danger ainsi que leurs enfants. Mais que faire lorsqu’elle se heurte
au silence des autorités ? Elle risque de perdre ses droits, de ne pas obtenir
des papiers pour le petit dernier. Elle sent que tout lui échappe, comme si le
gouvernement voulait les enfermer, les emprisonner, les étouffer…. Sa situation
d’épouse d’un, peut-être agitateur, l’isole. Elle devient paria, rejetée…
En luttant, jour après jour, pour les siens, Eilish réalise
que le bonheur se tenait dans des tas de petites choses ordinaires du
quotidien, rien que le fait d’être en famille…. Autour d’elle, le monde se
fracasse, s’écroule, se délite. L’ordre se détraque, le chaos s’installe… C’est
insidieux, au début, on croit qu’il n’y a rien ou presque et puis, les libertés
sont grignotées petit à petit, l’étau se resserre, le couvre-feu s’installe,
les « zones » de déplacement aussi…
Ce roman parle de ce qui existe dans certains pays où tout
est remis en cause et où les habitants doivent choisir entre fuir et tout
abandonner pour l’inconnu, ou rester près de leur famille et essayer d’agir, en
espérant un mieux.
L’écriture de Paul Lynch est immersive (merci à la traductrice),
anxiogène. Le style indirect nous plonge dans l’histoire, nous empêchant de
respirer, de prendre une pause. On est au cœur des événements, on a le
sentiment de voir, de vivre, ce qui est présenté. On suit la répression, la
violence, la peur, les angoisses… On est au cœur des pensées d’Eilish, qui a
une période de déni avant de comprendre. Son esprit vagabonde, elle peut faire
des incursions dans ses souvenirs puis revenir aussitôt au présent. Elle doit
prendre des décisions mais comment savoir ce qui est le mieux ?
Ce récit, terriblement réaliste, bouleversant, est un
hommage à tous ces peuples qui luttent dans l’ombre. C’est aussi un rappel à l’ordre
pour prendre conscience de notre bonheur et tout faire pour garder notre
liberté …. Soyons vigilants.
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