"Les enfants sont rois" de Delphine de Vigan

 

Les enfants sont rois
Auteur : Delphine de Vigan
Éditions : Gallimard (4 Mars 2021)
ISBN : 978-2072915819
352 pages

Quatrième de couverture

"La première fois que Mélanie Claux et Clara Roussel se rencontrèrent, Mélanie s'étonna de l'autorité qui émanait d'une femme aussi petite et Clara remarqua les ongles de Mélanie, leur vernis rose à paillettes qui luisait dans l'obscurité. “ On dirait une enfant ”, pensa la première, “elle ressemble à une poupée”, songea la seconde. Même dans les drames les plus terribles, les apparences ont leur mot à dire." À travers l'histoire de deux femmes aux destins contraires, Les enfants sont rois explore les dérives d'une époque où l'on ne vit que pour être vu. Des années Loft aux années 2030, marquées par le sacre des réseaux sociaux, Delphine de Vigan offre une plongée glaçante dans un monde où tout s'expose et se vend, jusqu'au bonheur familial.

Mon avis

Mêlant faits réels (et édifiants) à de la fiction, Delphine de Vigan nous éclaire, si besoin est, sur l’emprise du numérique, ses déviances, ses dangers….

Elle commence son récit en 2019, à une époque où, déjà, certains se mettent en scène sur les réseaux sociaux ou les chaînes YouTube. C’est le cas de Mélanie, qui, admirative des « stars » (si on peut parler de star) de la téléréalité, a tenté de percer dans une émission. Elle n’a pas été retenue et elle est ressortie blessée de cet échec. Des années plus tard, mariée et mère de deux enfants, elle tient sa revanche. C’est une des femmes les plus suivies grâce à la chaîne qu’elle a mise en place pour mettre en avant le quotidien de sa progéniture. Eux, ils ont suivi, que ne feraient-ils pas pour plaire à leur mère. Ils déballent les cadeaux offerts par les marques, commentent, signent des autographes et font des selfies avec tous les gosses qui les admirent, les aiment et peut-être, pour certains, les envient. Une vie de paillettes où tout n’est qu’apparence ….

Ce qui, au début, pourrait s’apparenter à un jeu, un loisir, est devenu, au fil du temps, un vrai travail, minuté pour être rentable. Tout est calculé, mesuré, il y a même un studio d’enregistrement au domicile familial… L’auteur montre la lente mais sûre dérive vers cette mainmise, cette quasi impossibilité de revenir en arrière. La mère est heureuse, mais son fils et sa fille sont-ils épanouis ? En étant jalousés, ne risquent-ils pas de souffrir ?

Un jour, la fille de Mélanie disparaît et une enquêtrice, Clara, se charge des investigations. Cette fillette a-t-elle été enlevée ? Par qui ? Et pourquoi ? Clara découvre ce monde totalement différent du sien. C’est un choc. En avançant dans ses recherches, elle souhaite des réponses, mais tout ce qu’elle entrevoit va au-delà de ce qu’elle avait imaginé ….

« C’est un monde dont l’existence nous échappe. »

Delphine le Vigan s’est beaucoup renseigné, son récit contient de nombreuses informations, notamment sur les financements de ces chaînes et le vide juridique en matière de protection de l’enfance. Les jeunes chanteurs, comédiens, sont soumis à une réglementation mais pour les mineurs youtubeurs, en 2019, il n’y avait rien, aucune contrainte, aucune loi …

La procédurière, Clara, qui investigue, essaie de cerner le mécanisme et les rouages de cet univers « parallèle » et elle tombe des nues face à certaines situations. Elle visionne des images, réfléchit, creuse, pousse le père et la mère dans leurs retranchements …

Les portraits de ces deux femmes, que tout oppose, sont saisissants de réalisme. Peuvent-elles se comprendre ?

On bascule ensuite dans les années 2030 où l’on voit ce que chacun est devenu. C’est alors une réflexion profonde, nourrie, qui nous projette dans un futur qui sera bientôt un présent si « on » laisse les dérives s’installer…

J’ai été scotchée par tout ce qui est transmis dans ce récit. C’est, malheureusement, très juste.

Ce roman est une piqûre de rappel, un texte fort, addictif, effrayant par certains aspects. On y va tout droit, il est temps d’agir….. Il faut communiquer sur ces sujets, faire de la prévention dans les écoles et ailleurs. À offrir, à prêter, à faire lire encore et encore.


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