Les inconnus du Saint-François
Auteur : Guillaume Lefebvre
Éditions : Ravet-Anceau (Septembre 2011)
Collection : Polars en Nord
ISBN: 978-2359732023
224 pages
Quatrième de couverture
Un matin, sur la plage de Cayeux-sur-Mer, Armand Verrotier
découvre un petit chalutier échoué. A son bord, le seul membre d'équipage est
mort, le corps broyé par le treuil du chalut. Tout fait penser à un accident. Pourtant Armand qui est officier de marine marchande note
des détails qui l'intriguent. Il connaissait la victime et se met à enquêter
sur son passé. Par son ex-femme, il apprend que le défunt avait eu maille à
partir avec son ancien employeur, un armateur de Boulogne-sur-Mer.
Mon avis
« Homme libre,
toujours tu chériras la mer ! » Baudelaire
Une belle couverture, avec un fond couleur ciel d’orage … Un
livre qui se tient bien en mains, et me voilà partie dans le monde des marins …
Celui des « taiseux », à la Tabarly, avare de mots, mais pas d’aide lorsque le
voisin souffre … observateur discret de la vie aux alentours mais n’étalant pas
la sienne …
« Dans le monde
pénible de la mer, les hommes parlent peu, ils laissent cette tâche à leur
épouse, et celle-ci ne s’en prive pas. »
Entre le 6 et le 20 Novembre, en baie de Somme, nous allons
nous attacher aux pas d’Armand, mélomane à ses heures (les références musicales
sont nombreuses), officier de marine marchande dans une compagnie de paquebots.
Cet homme a découvert un chalutier échoué avec son capitaine
décédé. Cela lui semble bizarre et il décide de mener une petite enquête ….
Il va se retrouver entraîner bien plus loin que ce à quoi il
avait pensé, découvrant, petit à petit, ce qu’on cherche de prime abord à lui
cacher.
Le milieu des marins n’est pas ordinaire, c’est comme une
grande famille, avec, comme dans n’importe quelle famille, ses tensions, ses
joies, ses peines, ses trahisons, ses non-dits, ses silences qui en disent
long, ses regards qui se comprennent ou pas ….
Guillaume Lefebvre possède une écriture posée, lourde des
sens, évocatrice d’une atmosphère, d’une ambiance, que seul un homme ayant
côtoyé les gens de la mer peut évoquer avec cette finesse dans le propos.
C’est vraiment écrit avec justesse, avec des mots précis.
J’ai beaucoup apprécié la « musicalité » du vocabulaire, des termes qui
s’enchaînent et qui vous font sentir le climat (au propre comme au figuré)
régnant sur cette côte picarde. Je percevais la pluie, les embruns, le froid et
l’humidité du matin, la nuit qui tombe et ses silences angoissants, je
ressentais les troubles des hommes, les regards appuyés ou fuyants, les
appréhensions, les craintes, les complicités des uns et des autres …
Armand Verrotier, personnage central, sert de fil conducteur
entre les différents protagonistes. Beaucoup d’événements sont reliés à lui, à
sa curiosité, à sa soif de comprendre, à l’intérêt qu’il porte à ceux qu’il
rencontre. C’est un homme fort, solitaire, qui observe, réfléchit, note dans
son petit carnet ce qu’il remarque avant de faire des déductions hâtives. Je le
visualisais très facilement, la démarche assurée de l’homme qui a le temps, le
regard acéré de celui qui étudie sans rien dire, le silence éloquent de celui
qui sait qu’on finira par lui parler « parce qu’entre hommes de la mer on se
comprend …. »
A côté de lui, plusieurs « seconds rôles » masculins; peu de
« dames » et pas n’importe lesquelles. Les quelques femmes de ce roman sont un
peu caricaturées, la voisine qui voit tout derrière son rideau, la sœur
étouffante, l’infirmière un peu délurée etc ….
Autant les hommes semblent se noyer dans la masse, pouvant
passer inaperçus (et c’est d’ailleurs ce que certains recherchent, cachant bien
leur jeu), autant les femmes sont très « cadrées ». Il faudra
« gratter » sous l’apparence pour mieux connaître les
hommes, et l’auteur a très habilement sur retranscrire ce travail d’observation
d’Armand. Les femmes, elles, se découvrent plus facilement, on les cerne vite …
Ceci me semble une remarquable étude du microcosme maritime.
Les dialogues parsemés ici et là, apportent un peu de
légèreté au récit, le rythme général n’est ni trop lent, ni trop rapide, on
avance à la cadence des découvertes d’Armand, au fil du temps qui passe,
accompagné de la houle, du cri des mouettes, de la pluie, les narines
palpitantes cherchant les odeurs de varech et on surprend notre regard essayant
de passer au dessus du livre pour voir la mer
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