Voyou (טידנב)
Auteur : Itamar Orlev
Traduit de l’hébreu par Laurence Sendrowicz
Éditions : Seuil (16 Août 2018)
ISBN : 9782021365825
464 pages
Quatrième de couverture
Lorsque sa femme le quitte, emportant loin de lui leur jeune
fils, Tadek voit sa vie se lézarder, rattrapée par la solitude. Son frère et
ses soeurs sont depuis longtemps partis d'Israël, et sa mère, face à son
désarroi, n'a qu'une rugueuse indifférence à lui offrir. Il n'a plus pour
compagnie qu'un fatras de souvenirs, de cauchemars - et un fantôme, celui de
son père, qu'il n'a pas revu depuis vingt ans. Sur un coup de tête, Tadek
décide alors de quitter Jérusalem pour retrouver ce dernier, qui croupit dans
un hospice de Varsovie. Nous sommes en 1988, et la Pologne est grise derrière
le rideau de fer.
Mon avis
Qu’elle est longue la
route menant au pardon ….
Ce roman est magnifique. Il explore la question de la
filiation à travers la relation de Tadek, d’une part avec son père qu’il n’a pas vu depuis des
années et d’autre part avec son propre fils puisque sa femme l’a quitté en emmenant
leur rejeton.
Dans le récit, Tadek est parfois seul, ou avec sa mère, ou
avec son père, et bien sûr avec sa femme et son fils ou seulement ce dernier.
Suivant les personnes avec qui il est, son approche de la conversation est
différente. On le sent sur la retenue avec sa maman, d’autant plus qu’il s’aperçoit
qu’elle est plutôt fâchée avec la vérité. Quand il rencontre son père, il peut
passer de l’énervement (parfois teinté d’un peu de mépris, voire de dégoût et
de colère) à une certaine forme d’amour qui le pousse à rester, à agir et à
essayer de comprendre cet homme qui reste mystérieux à ses yeux. Avec sa femme
et son fils, c’est la maladresse et le manque d’expérience qui dominent.
On alterne les passages passé / présent et tout n’est pas forcément
« ordonné ». Ce n’est pas indispensable. Ce qui est important, c’est
de constater combien tous ces liens peuvent construire ou détruire un homme.
Stefan le père de Tadek a séduit des
femmes, beaucoup, trop sans doute et son fils lui en voulait de ne pas être
présent….
« Et j’ai
retrouvé la même haine qu’à l’époque, mais décuplée parce qu’il arrivait de
nouveau, dans sa vieillesse, à éveiller en moi un terrible sentiment de
culpabilité ; parce que, en une seconde, il avait de nouveau fait de moi
un fils merdique…. »
Quand c’est sa mère qui
évoque des souvenirs, il n’y a pas toujours de repères spacio temporels. On est
dans le passé, et cela suffit. La famille et son histoire prennent forme petit à petit, de chapitres en
chapitres.
Tadek peut-il pardonner à un père qui l’a abandonné ? Va-t-il
passer sa vie à tenter d’obtenir sa reconnaissance ? Il oscille entre être
horrifié par certains actes de son géniteur et le prendre pour un héros…. Cette
visite auprès de celui qui lui a donné la vie, et qui habite maintenant dans un hospice à
Varsovie va déclencher des révélations en cascade. Est-il prêt à les entendre, à
les recevoir ? Le silence et l’oubli ne sont-ils pas préférables ? Sur fond de seconde guerre mondiale et d’événements
douloureux pour le passé (Stefan a vécu des choses horribles), sur fond de
pauvreté en Pologne pour le présent (qui se situe pendant l’année 1988), ce
récit est poignant tant il est rédigé avec une acuité profonde sur les
relations humaines et sur le contraste entre les époques, les lieux de vie, l’évolution
des pays, le choix des hommes de rester ou de fuir……
L’écriture de l’auteur est atypique. Il emploie le « je »
et on a l’impression de lire une biographie. Il est capable de relater des
événements graves en les tempérant avec une espèce d’ironie, comme s’il se
moquait de lui-même. Le style est puissant, intense, profond et fort. Tout
au long de ce texte, Itamar Orlev nous rappelle combien le chemin qui mène à la
rédemption est difficile, combien être un homme tout simplement, s’apprend
chaque jour …..
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire