Le chant des revenants (Sing, unburied, sing)
Auteur : Jesmyn Ward
Traduit de l’américain par Charles Recoursé
Éditions : Belfond (7 Février 2019)
ISBN : 9782714479099
280 pages
Quatrième de couverture
Jojo n’a que treize ans mais c’est déjà l’homme de la
maison. Son grand-père lui a tout appris. De son autre famille, Jojo ne sait
pas grand-chose. Ces blancs n’ont jamais accepté que leur fils fasse des
enfants à une noire. Et puis il y a Leonie, sa mère, qui vient d’apprendre que
Michael, son mari, va sortir de prison et qui décide d’embarquer les enfants en
voiture pour un voyage plein de dangers, de fantômes mais aussi de
promesses…
Mon avis
Magnifique roman choral, ce livre est une petite merveille.
De par les thèmes abordés, le lieu où se déroule l’histoire, et également par
les personnages aux portraits finement ciselés pour faire de certains des
joyaux étincelants.
Jojo, treize ans, est le fils de Michael, un blanc
actuellement en prison et de Leonie, une jeune femme noire. Ces deux-là se sont
connus tôt et la famille de Michael n’a jamais accepté le choix de leur rejeton.
L’Amérique a beaucoup progressé dans le
combat du racisme mais il reste présent même de nos jours comme le démontre le récit.
Jojo a une petite sœur surnommée Kayla dont il s’occupe avec un amour immense,
prenant soin d’elle à la place de leur mère totalement défaillante. Peut-être
qu’elle aimerait faire mieux mais elle n’y arrive pas, elle se drogue, elle
boit, elle vit de petits boulots et est installée avec ses deux gamins chez ses
parents. La grand-mère est malade, très fatiguée et ce sont Jospeh et le Papy
qui font tourner la maison tant bien que mal. Et puis, voilà que le père annonce
sa sortie et que Leonie décide de partir sur les routes avec les deux petits, pour
aller le récupérer. Traumatisée par le décès de son frère, Leonie est «
handicapée » des sentiments, elle voudrait être une meilleure maman mais
elle n’y arrive alors elle peut-être brutale, désordonnée, maladroite, malheureuse….
« Elle me déteste, je dis.
-Non, elle t’aime. Elle ne sait pas le montrer. »
« Elle me déteste, je dis.
-Non, elle t’aime. Elle ne sait pas le montrer. »
Dans ce livre, même les morts parlent, puisque prennent la
parole tour à tour : Jojo, Leonie et Richie (il est mort mais Jojo le voit
et l’entend quelques fois). Introduire Richie dans le contexte a permis à l’auteur
de parler du passé, de faire des parallèles entre ici et maintenant et les
réactions d’autrefois et ainsi de montrer que les gens changent mais que leur conscience
n’évolue pas forcément.
Lorsque le jeune garçon s’exprime, on sent tout le désarroi qui l’habite. Les questions que l’attitude de sa génitrice lui renvoient, la découverte de la communauté noire et du passé douloureux de son aïeul, ses sentiments face à la mort qui rode….
L’écriture poétique, sensible, délicate, de l’auteur
magnifie certains passages, notamment ceux où sont évoqués les liens qui
unissent Jojo et Kayla, ou Jojo et son grand-père. On ne dit pas « je t’aime »
dans cette famille, on est pudique mais chaque geste, chaque mot transpirent l’amour
et l’émotion est au rendez-vous tant les protagonistes sont décrits avec
humanité. On voit que l’Amérique a encore du chemin à faire pour laisser une
place à chacun. C’est par petites touches que l’on découvre la difficulté d’être
né noir dans le Mississipi où la chaleur semble faire fondre la lucidité de
certains (l’attitude du policier est révoltante). Dans ce road trip, l’atmosphère
vous englue, l’air chaud vous colle à la peau mais Jojo vous prend la main et
vous ne voulez plus le lâcher.
C’est fort, puissant. Magnifiquement traduit ce roman
sublime, subtil, vous parle au cœur, à la tête, il vit entre vos mains et il vous
pousse à réfléchir.
NB : Jesmyn Ward est la première femme deux fois
lauréate du National Book Award.
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