Ne fais confiance à personne (Trust No One)
Auteur : Paul Cleave
Traduit de l’anglais (Nouvelle Zélande) par Fabrice Pointeau
Éditions : Sonatine (31 Août 2017)
ISBN : 978-2355846403
460 pages
Quatrième de couverture
Les auteurs de thrillers ne sont pas des personnes très
fréquentables. Ils jouent du plaisir que nous avons à lire d'abominables
histoires, de notre appétit pour des énigmes qui le plus souvent baignent dans
le sang. Ce jeu dangereux peut parfois prendre des proportions inquiétantes et
favoriser un passage à l'acte aux conséquences funestes. Eux les premiers, qui
pensent connaître toutes les ficelles du crime parfait, ne sont pas à l'abri de
faire de leurs fictions une réalité.
Mon avis
« Une sorte de vide avec une touche d’espoir et une touche
de folie…. »*
Il a quarante-neuf ans, une femme aimante et une fille
adorable qui va bientôt se marier. Son métier : auteur de thrillers, de romans
policiers menés de main de maître. Ah non, je ne parle pas de Paul Cleave mais
de Jerry Grey, son nouveau personnage. Ce dernier écrit sous un pseudo : Henry
Cutter (est-ce que c’est plus facile de se cacher derrière un faux nom quand on
écrit des choses affreuses ?). Il a tout pour être heureux ce brave homme alors
forcément, un jour, la roue tourne… sous forme d’un sale diagnostic : le grand
A est entré dans sa vie. A comme….. Alzheimer. Il faudra vivre avec ou plutôt
sans…. Sans souvenirs de certains événements alors que d’autres seront très
nets, sans autonomie parce que les repères seront perdus, sans famille car il
faudra vivre dans un milieu « protégé » loin de ceux que vous aimez….
Comment agir ? Jerry va écrire, parce que c’est ce qu’il
sait le mieux faire, parce qu’il veut garder une trace de ce qu’il oubliera pour
plus tard, parce qu’il est auteur…parce que …. Mais le voilà qui se met à
confondre la vie réelle et la fiction de ses bouquins… Il s’accuse de meurtres
et donne des détails correspondant à ses écrits…. Où tout cela peut-il le mener
? Que peut penser la police face à une telle situation, où trouver des preuves
(qu’il se trompe ou qu’il a finalement agi….) ?
Paul Cleave le dit « pour bien écrire, il faut parler de ce
qu’on connaît…. ». Est-ce que cela signifie qu’en mode Henry, Jerry a besoin de
tester grandeur nature ce qu’il raconte ensuite ? Où va-t-il lorsqu’il a des
absences (tant au sens propre que figuré) ?) Qui peut l’aider ? Comment et
pourquoi ?
La confusion intellectuelle de Jerry va servir de prétexte à
Paul Cleave pour aborder des thèmes comme la recherche de sujets pour les
écrivains, leur façon d’interpréter le regard et les commentaires des autres,
la dualité entre celui qu’on est dans la vie et celui qu’on est quand on écrit
(là, c’est super bien réussi !), la place de la maladie grave dans le quotidien
surtout lorsqu’on va vers l’oubli….
La construction narrative est particulière, assorti de ce
que je définirai comme un « faux rythme ». Il n’y a que peu d’actions, on lit
le carnet de bord de Jerry / Henry (qui s’interpelle, se projette avec Jerry
passé et Futur Jerry ) , on avance, on revient en arrière, on repart mais pas
obligatoirement là où on s’était arrêté…. Les troubles mentaux seraient-ils en
train de nous « contaminer » ? C’est contagieux docteur ? Ou bien est-ce pour
finir de nous égarer ? L’écriture (merci au traducteur : Fabrice Pointeau) est
troublante, d’autant plus qu’on oscille entre le « je », le « tu », le style
impersonnel…..
Comme à son habitude, l’auteur aime à nous embrouiller, à
ébranler chaque certitude (si on est capable d’en avoir dans un bouquin comme
celui-ci), à nous embarquer d’un côté, de l’autre, à nous déstabiliser, à nous
rendre (presque) aussi fou que l’individu qu’il nous décrit.
Bien sûr, c’est tordu, alambiqué, bizarre tant ça met mal à
l’aise mais également terriblement bien pensé car si on ne lit pas la fin, le
puzzle tarde à se mettre en place et …. de découverte en découverte, le final
semble évident si on relie les points qui ont pu nous alerter (mais « Ne fais
confiance à personne »… on ne pouvait pas y croire et puis qui nous a mis la
puce à l’oreille ? Jerry ? Henry ? Le narrateur ? Un protagoniste ? On ne sait
pas, on ne sait plus….)
Personnellement, j’ai eu un peu de mal au début :
l’atmosphère me semblait lourde et presque pénible à supporter puis j’ai voulu
connaître le secret de ce cerveau malade…. Et là, ma cadence de lecture s’est
nettement accélérée …
* page 53
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire