La cave aux poupées
Auteur : Magali Collet
Éditions : Taurnada (19 Mars 2020)
ISBN : 978-2372580663
211 pages
Quatrième de couverture
Manon n'est pas une fille comme les autres, ça, elle le sait
depuis son plus jeune âge. En effet, une fille normale ne passe pas ses
journées à regarder la vraie vie à la télé. Une fille normale ne compte pas les
jours qui la séparent de la prochaine raclée monumentale... Mais, par-dessus
tout, une fille normale n'aide pas son père à garder une adolescente prisonnière
dans la cave de la maison.
Mon avis
Elle n’a connu que ça, Manon. La vie (mais peut-on appeler
ça la vie ?) dans une maison, loin de tout. Avec un homme, appelé
« Le Père » et une Maman, qui est décédée. Elle lui manque mais elle
n’a pas le choix. Manon accepte les coups, l’attitude perverse du paternel.
Elle est fataliste, formatée ainsi car elle n’a jamais rien vu d’autre… Bien
sûr, à la télévision, elle observe « la vraie vie » mais ça ne lui
fait même pas envie. Elle n’a plus d’émotions, de sentiments, depuis longtemps,
elle subit et c’est tout. Elle obéit sinon elle ramasse, le Père la frappe, la
« monte » et tout est douleur. Dans la cave, il y a la fille ou les
filles, c’est selon. Elle les prépare, les « conditionne » et essaie,
au maximum, de leur faire comprendre ce qu’elles doivent faire pour être de « bonnes
poupées ».
Ce qui est décrit dans le roman, à ce moment-là, est très
fort, très dur, plutôt insoutenable. C’est Manon qui parle, qui s’exprime avec
ses mots comme une petite fille soumise, loin de la réalité, mal aimée, ayant
grandi trop vite, installée dans un vécu qu’elle ne maîtrise pas. La sélection
de chaque terme est précise, fait sens, et choque, c’est volontaire et on
ressent une terrible impuissance. Le lecteur peut s’interroger et se dire que
Manon devrait lutter, avoir envie d’autre chose. A quoi bon ? Est-ce que
le « dehors » lui fait peur ? Est-ce que s’occuper des
prisonnières lui donne l’impression d’être utile ? Est-ce qu’elle ne
comprend pas qu’elle peut vivre différemment ?
Et puis un événement va bousculer ce faux équilibre. Manon
va découvrir l’Autre. L’Autre qui ne sera plus un « numéro », qui
existe et qui la fait exister, presqu’en miroir… A ce moment-là, des doutes
s’immiscent dans son esprit et dans celui de la personne qui lit. Y-a-t-il une
petite, infime place pour l’espoir ? Manon peut-elle créer des liens,
aimer, décider de passer à autre chose ? Est-ce que tout cela n’est pas
trop pour elle ? Est-elle capable de vivre autrement ? Et puis
peut-elle avoir un rapport « normal » avec d’autres personnes, elle
qui vit cloitrée ?
Dans ce livre, la tension est permanente. L’écriture
incisive de Magali Collet fait mouche, prend aux tripes et ne vous lâche pas.
Même lorsqu’elle laisse entrevoir une lueur, tout retombe et le stress revient car
la malveillance du Père ne faiblit pas. Alors, on reste le ventre serré, la
boule au fond de la gorge, recroquevillée dans son canapé en se disant que tant
de perfidie ça n’existe pas. C’est une lecture troublante, qui dérange. Un vrai
roman noir où il n’y a pas un mot de trop. C’est sans doute cela, entre autres,
qui fait sa force, qui le rend si puissant, si marquant. C’est brut, fort,
porteur de sens. L’auteur vient de signer, avec ce titre, son premier récit.
Elle fait fort. Son écriture est mature, posée et elle a su doser les descriptions,
les ressentis, les relations entre les uns et les autres. C’est un huis-clos
qui fait mal, donc pleinement réussi.
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