"Tijuana Straits" de Kem Nunn (Tijuana straits)


Tijuana Straits (Tijuana straits)
Auteur : Kem Nunn
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Nathalie Zimmermann
Éditions : Sonatine (20 Janvier 2011)
ISBN : 978-2355840418
360 pages

Quatrième de couverture

Tijuana Straits, frontière de la Californie et du Mexique. Repris de justice, Sam Fahey mène là une vie solitaire et recluse. Cet ex-surfer, en proie à de fréquents accès de panique, est bien décidé à ne plus se mêler des affaires humaines. Lorsqu'il recueille une jeune femme mexicaine, Magdalena, qu'on a essayé d'assassiner près de chez lui, son existence paisible et solitaire vole en éclats.

Mon avis

Tijuana Straits ? C’est quoi ce titre ?

Les Straits ce sont des courants violents présents dans la rivière Tijuana dans la baie du même nom entre Mexique et Etats-Unis.
Une rivière que certains traversent à la nage pour aller vers un monde qu’ils espèrent meilleur prenant alors le risque d’être emportés par des courants.
Une rivière, terrain de jeu dangereux, pour des surfeurs aventureux.
Une rivière polluée par les maqualidoras qui y versent leur saleté. Pour mémoire, les maquiladoras, ce sont les usines installées à la frontière (côté Mexique) pour bénéficier des exonérations fiscales, de main d’œuvre bon marché travaillant dans de mauvaises conditions d’hygiène, obligée de se taire et de besogner dans des situations déplorables pour gagner quelques sous En partie à cause de cela, Tijuana est une des villes qui a connu la plus forte croissance démographique dans les années 70-80.

C’est donc un roman fortement imprégné de l’histoire de deux pays et porteur de messages que Kem Nunn a écrit.

Sam Fahey, surnommé « La Mouette », ancien surfeur de haut niveau vit seul (l’auteur est passionné de surf et les analyses techniques sont précises), dans un coin isolé en Californie, comme « un sauvage ».
Après avoir fait de mauvais choix, il essaie de se (re)construire, d’avancer en prenant les jours les uns après les autres accompagné de la drogue, la boisson et de ses chiens ….Il cache des blessures morales, physiques, profondes.
Il a accepté de se charger de la protection des pluviers d’occident et des râles au pied léger.
Les coyotes, les humains qui marchent n’importe où et abiment les nids peuvent être de vrais prédateurs pour ces oiseaux rares.
Un matin où il surveille la côte dans ce but il va croiser la route d’une jeune mexicaine qui lui demande de l’aide.
Il a très envie de l’ignorer et de ne pas la « voir » …. mais …..
Magdalena va donc faire irruption dans sa vie. Il vivra cette rencontre comme une rédemption, un moyen d’en finir (en finit-on vraiment ?) avec son passé lourd comme un boulet …
Elle, c’est une femme qui travaille avec une avocate et qui veut lutter contre les maquiladoras.
Elle est persuadée que les mexicains sont malades (enfants mal formés qui obligent les femmes à avorter, autres affections plus ou moins graves …) à cause de la pollution des usines. Elle a mené une enquête. Ses découvertes dérangent et on cherche à la faire taire …. Elle fuit et se retrouve face à « La Mouette » …..

La relation entre Sam et Magdalena ne sera pas simple, les « blessés » de la vie sont toujours gênés, mal à l’aise pour aller au devant de l’autre, des autres Il va leur être nécessaire de s’apprivoiser, de se comprendre, de s’écouter aussi parfois (et certains silences sont de vraies conversations …) afin de s’aider, s’épauler et agir ….

- Je ne savais pas que vous étiez philosophe.
- Je suis vermiculteur.

Les personnages secondaires, dont Armando qui a une part importante, sont quelquefois un peu caricaturaux mais bien intégrés dans le déroulement de l’intrigue.

L’auteur, qui pour moi, est un « grand « (il ne se disperse pas et écrit peu mais du « lourd »), a su, nous transmettre plusieurs avertissements dont ceux de prendre en compte l’environnement et l’écologie, de ne pas oublier les droits de l’homme face au travail et à la maladie entre autres, de ne pas laisser les « grands » de ce monde phagocyter les plus petits mais aussi une authentique philosophie de vie à travers le personnage de Sam, qui trouve dans le surf et la nature (entre autres avec son rôle de protecteur des oiseaux), une réalité que nous oublions souvent dans ce monde qui va trop vite : « Carpe diem, demain est un autre jour … il sera ce que j’en ferai …..»

« Ça voulait dire que, en plus de savoir surfer, vous saviez nager, plonger, naviguer, pêcher …. ça voulait dire vivre en harmonie avec la mer, avec tous les éléments en fait …. »

C’est un livre magnifique, douloureux, sombre, les descriptions sont « parlantes » que ce soit dans les moments calmes ou dans ceux qui « bougent » plus. Il y a comme un voile de tristesse qui plane et quelques lueurs d’espoir lorsque les protagonistes essaient de lutter contre les éléments naturels ou contre les hommes ….

« Il faut le vouloir. On essaie de déterminer tous les signes, de déterminer un chemin. On essaie de se servir de sa tête. Mais en fait, ce qu’il faut vraiment, c’est le vouloir. »

L’écriture est superbe, les mots pesés mais pas lourds, une ambiance flotte dans ce roman.
Le surf est évoqué tout au long de l’histoire comme pour nous apaiser et nous aider à supporter l’horreur décrite à côté, les actes de ces hommes pour qui l’Autre (avec une majuscule) n’existe pas ….

Une lecture qui ne vous quitte pas tout à fait une fois la dernière page refermée …..

« On dit que ce sont nos choix qui font ce que nous sommes. »


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