Le Démonologue (The demonologist)
Auteur : Andrew Pyper
Traduit de l’américain par Frédéric Brument
Éditions : L’Archipel (1 er Juin 2016)
ISBN : 978-2809818888
380 pages
Quatrième de couverture
Le professeur David Ullman est considéré comme le
spécialiste mondial de la littérature satanique, notamment grâce à la thèse
qu’il a consacrée au Paradis perdu de Milton. Pourtant David, à l’inverse du
poète, est loin de croire que notre terre est peuplée de millions d’âmes errantes,
invisibles du commun des mortels.
Un jour, il est invité à Venise pour y attester d’un « phénomène » surnaturel.
D’abord réticent, il cède finalement et s’y rend en compagnie de Tess, sa fille
de douze ans.
Sur place, les manifestations paranormales dont il est le témoin font vaciller
ses certitudes cartésiennes. Avec pour point d’orgue la disparition de sa
fille.
Mon avis
Ténèbres…..
Voilà un livre déroutant, captivant, surprenant et qui laissera une trace durable dans mon esprit.
David Ullman, professeur à l’Université, est un spécialiste du poème épique « Le Paradis Perdu » de John Milton (écrit à partir de 1658 et traduit par Chateaubriand) mais le contenu de cette œuvre qu’il connaît par cœur a dû « déteindre » sur lui. En effet, une mélancolique noirceur l’habite en permanence, elle est en lui, le gouverne et il se doit d’ériger des boucliers pour combattre la solitude qui ne le gênerait pas…. Il n’est pas épanoui dans son couple et se sent proche de sa fille Tess. Ils ont une relation forte, des « codes » qui n’appartiennent qu’à eux, des regards qui se cherchent , se comprennent et les isolent du monde extérieur. Il a une amie Elaine avec qui il parle à cœur ouvert ou presque…. Il garde une part d’ombre très importante et je crois qu’il s’en abreuve…. Elle le tient entre ses griffes, l’entraînant toujours plus profond, mais elle l’aide aussi à exister. Ce qui est très paradoxal.
Je ne suis pas adepte du paranormal, des démons et autres
idées du même genre. Dans ce livre, il me semble que le côté surnaturel et
démoniaque est représenté de différentes façons et c’est en ça que c’est très
intéressant. J’ai forcément pensé à Jean-Paul Sartre et à sa phrase
« L’enfer c’est les autres ». Si, au départ, tout semble assez
rationnel, le narrateur (le professeur lui-même) semble de plus en plus ébranlé
par des rencontres qui ne sont pas humaines. Est-ce qu’il crée cet univers pour
échapper à la folie qui le guette face à la disparition de sa fille ?
Est-ce que cela existe réellement ?
Il comble le vide de sa vie, de sa fille par une errance perpétuelle portant
sur ce but : retrouver son enfant, comprendre les signes qu’il reçoit et
qui sont souvent liés au poème « Le Paradis Perdu » qui
« nourrit » également les chapitres. D’ailleurs, sans sa fille, l’Eden
n’existe plus…. Il va se retrouver à revenir sur son passé, à aller loin dans son
introspection, dans sa relation à l’autre, aux autres …..
« Voici une autre
définition de l’errance : des émotions si puissantes qu’elles ne peuvent
s’expliquer sans recourir à la superstition . »
Lorsque David parle de la couleur du deuil, ses mots sont très adaptés, bien pensés. Il explique comment celui-ci s’immisce dans votre quotidien, comment il s’impose, vous envahit et colore votre univers….jusqu’à ce que vous ne voyiez rien d’autre…..
L’écriture de l’auteur est très visuelle, les rencontres et les scènes bien décrites. On imagine sans peine ce qui se déroule et on sent l’angoisse monter car les images s’affichent dans notre esprit. Le suspense est présent d’un bout à l’autre. C’est un récit qui aborde différents sujets, en dehors de la place du « Malin » : l’influence de l’enfance et de l’éducation, la résilience, l’équilibre entre l’activité professionnelle et le couple, les rapports fusionnels entre parents et enfants, l’amitié et ses limites, et bien d’autres encore….
Peu habituée de ce genre de sujet, moi la rationnelle aux
pieds sur terre, qui déteste ce que je ne maîtrise pas, je me suis laissée
emporter dans ce récit et je l’ai beaucoup apprécié. Je crois que la force de l’écriture y est pour
beaucoup (bravo au traducteur !) ainsi que l’atmosphère particulière mais
très « prenante ».
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