Ici n’est plus ici (There There)
Auteur : Tommy Orange
Traduit de l’américain par Stéphane Roques
Éditions : Albin Michel (21 Août 2019)
ISBN : 978-2226402905
356 pages
Quatrième de couverture
À Oakland, dans la baie de San Francisco, les Indiens ne
vivent pas sur une réserve mais dans un univers façonné par la rue et par la
pauvreté, où chacun porte les traces d'une histoire douloureuse. Pourtant, tous
les membres de cette communauté disparate tiennent à célébrer la beauté d'une
culture que l'Amérique a bien failli engloutir. À l'occasion d'un grand
pow-wow, douze personnages, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, vont voir
leurs destins se lier.
Mon avis
« Être indien en Amérique n’a jamais consisté à retrouver
notre terre. Notre terre est partout et nulle part. »
Tommy Orange est écrivain américain arapaho et cheyenne.
Dans son roman choral « Ici n’est plus ici », il donne la parole à
une douzaine de personnages. D’abord sans lien apparent, on suit les uns et les
autres. Leurs voix nous transmettent la détresse de ceux qui souffrent d’une perte
de repères : alcoolisme, chômage, dépression…. Ils ne trouvent plus leurs
racines et les cherchent.
Est-ce pour cela qu’ils convergent vers le pow-wow ? Ce
rassemblement convivial qui répond sans aucun doute à un besoin identitaire. On
y retrouve la famille, les amis. On célèbre la tradition, on fait vivre l’héritage
culturel à travers des chants et des danses afin de ne pas oublier. C’est un
lieu où on se rencontre, on se parle, on échange. Le costume traditionnel est
de rigueur, on répète les chorégraphies. Il est important de s’affirmer.
Mais avant ces retrouvailles, chacun va s’exprimer, soit en
disant « je », soit par l’intermédiaire d’un narrateur. Chacun va
partager sa souffrance, ses doutes, ses peurs, ses silences, l’histoire de sa
famille avec tout ce que cela entraîne lorsque le passé est déjà lourd à porter
pour les jeunes générations. Il n’est pas facile d’avoir une place lorsqu’on
naît avec « l’étiquette indien » en Amérique. On appartient à une
minorité, une de celles qui peut être méprisée, mal aimée, mal comprise, mal
respectée. Une de celles qui n’est pas « reconnue ». Les
protagonistes sont souvent en quête de reconnaissance, essayant de changer leur
quotidien pour aller vers un mieux mais bien souvent rattrapés par leurs
mauvais démons ou de sombres fréquentations.
Ce recueil est un cri de détresse, où les laissés pour
compte choisissent de ne pas se taire et de tout faire pour exister, avancer et
vivre…. Avec les différents points de vue des protagonistes, on revisite une
partie de l’Histoire. « Les gens sont emmurés dans l'Histoire, et l'Histoire
est emmurée en eux. »
On entend la rage qui les habite, on frisonne, on tremble devant cet
avenir qui se dessine noir, si noir…
L’écriture de l’auteur est puissante. Quelle que soit la
personne qui se confie, il a su adapter phrasé, rythme et vocabulaire (merci au
traducteur, je n’ai pas ressenti de fausse note). Il transmet un message fort
et le fait de fort belle manière.
J’ai, depuis toujours, une tendresse particulière pour les
indiens. J’aime à les retrouver dans des récits. Cet opus ne fera pas
exception. Il vivra longtemps en moi car il secoue, il pose des mots sur la
détresse humaine, sur ceux qui refusent d’être oubliés et de disparaître. Merci
Tommy Orange !
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