La loi des lignes (선의 법칙) (Seoneui Beopchik)
Auteur : Hye-Young Pyun
Traduit du coréen par Lim Yeong-Hee avec la collaboration de Catherine Biros
Éditions : Payot & Rivages (3 Février 2021)
ISBN : 978-2743652111
240 pages
Quatrième de couverture
Sae-oh, une jeune femme vivant recluse chez son père, doit
affronter son agoraphobie après que leur maison a été anéantie par les flammes.
Sae-oh soupçonne un collecteur de dettes d’être à l’origine de l’incendie et
prépare sa vengeance. En parallèle, Ki-jeong, une enseignante, apprend que sa
demi-sœur s’est suicidée.
Mon avis
Une couverture en clair-obscur, comme les personnages qui oscillent
entre ombre et lumière. Après son titre « Le jardin », un roman
remarquable et atypique, j’attendais de l’auteur qu’elle se renouvelle et me
fasse découvrir une autre facette de son talent. C’est réussi.
Ici, les hommes et les femmes présentés sont des gens
ordinaires, qui se sont trouvés, par un concours de circonstances mal maîtrisé,
dans une situation délicate. Ils sont
seuls pour faire face et se doivent de réagir ou de se laisser couler. Le lecteur
suit surtout le quotidien de deux protagonistes fait de moments de révolte, ou
de lâcheté, voire de désintérêt quand tout semble se liguer contre eux.
Sae-oh vivait avec son père. Agoraphobe (on découvrira pourquoi
au fil des chapitres), elle ne sortait pratiquement pas sauf en cas de
nécessité. Ce jour-là, au retour des courses, elle découvre la maison brûlée.
En réfléchissant, elle pense qu’un collecteur de dettes a suffisamment
déstabilisé son père pour que ce dernier choisisse de se suicider. Une fois le
choc encaissé, la colère grandit en elle et elle décide de se venger de cet
homme qui a détruit sa vie.
D’un autre côté, Ki-jeong, une enseignante, est en mauvaise
posture. Dans l’établissement où elle enseigne, un élève a abusé de sa candeur
pour la déstabiliser, la discréditer. Se voyant prise au piège, la colère
gronde en elle. En outre, elle apprend le décès de sa demi-sœur et veut mener
une enquête pour comprendre ce qu’il s’est passé.
Ces deux femmes ont leur rage et leur désir d’éclaircir le
passé comme points communs. Elles sont tributaires des autres, de leurs
réponses, de leurs relations. Leur vie n’existe plus qu’à travers leurs
recherches, leur besoin de savoir. Hye-Young Pyun nous démontre que la
frontière entre le bien et le mal est bien mince, que l’on ne maîtrise pas tout
et qu’un grain de sable peut enrayer le plus beau des mécanismes. Chacun doit
alors puiser en soi pour rebondir, avoir de la ressource et essayer d’avancer
coûte que coûte.
« A partir de quel moment l’intention malveillante
devient-elle le mal ? Est-ce au moment où elle naît ou bien au moment où
on la met à exécution ? Et au cas où l’on n’y parvient pas, le mal est-il
absent ? »
Sae-oh et Ki-jeong ont été blessées par la vie, défaites. Pas
aidées, ni soutenues, elles n’ont presque plus rien mais mues par une
surprenante volonté, elles restent vivantes, droites. Quelle forme de vie quand
tout semble se liguer contre vous ? Où aller chercher la force de croire
encore en quelque chose ?
Dans ce recueil, les deux femmes évoquées nourrissent leur
colère en se penchant sur ce qui a mal fonctionné dans leur passé, les pièges
qui se sont refermés sur elles et qu’elles n’ont pas vu venir. Nourrir leur
colère est ce qui les rend plus fortes. Malgré tout, elles restent terriblement
solitaires, ne se fiant à personne, ne voulant pas montrer leurs failles. Elles
observent, se taisent, réfléchissent, pèsent chaque décision.
L’écriture est détachée, pointilleuse, analysant chaque
détail. Le rythme peut donner des apparences de lenteur mais il n’en est rien,
tout est décortiqué pour que chaque fait soit replacé dans son contexte en lien
avec les autres. L’évolution des différents individus est traitée avec finesse,
c’est intéressant de voir comment des gens effacés peuvent devenir des lions sans
avoir l’air.
Vraiment un écrivain à suivre de près !
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